🎭 Heure En Grèce Par Rapport À La France

Aunord d'Athènes (Grèce), les pompiers ont demandé de l'aide aux habitants pour surveiller les cendres 24 heures sur 24, le 9 août 2021. (ERIC AUDRA / RADIO FRANCE)
Cet article fait partie de la série 1. Quand le juge Felice Casson a dévoilé le Gladio… »2. Quand le Gladio fut découvert dans les États européens… »3. Gladio Pourquoi l’OTAN, la CIA et le MI6 continuent de nier »4. Les égouts de Sa Majesté »5. La guerre secrète, activité centrale de la politique étrangère de Washington »6. La guerre secrète en Italie »7. La guerre secrète en France » 8. La guerre secrète en Espagne »9. La guerre secrète au Portugal »10. La guerre secrète en Belgique »11. La guerre secrète aux Pays-Bas »12. La guerre secrète au Luxembourg »13. La guerre secrète au Danemark »14. La guerre secrète en Norvège »15. La guerre secrète en Allemagne » Le roi Constantiin II et la junte militaire lors du coup d’État de 1967. Sous les ordres du dictateur fasciste Benito Mussolini, les troupes italiennes tentèrent d’envahir la Grèce en 1940, mais elles furent repoussées par une résistance populaire massive. L’année suivante, Hitler, qui ne voyait pas d’un bon œil la défaite du Duce, décida d’envoyer ses soldats qui conquirent le pays et le placèrent sous le contrôle des puissances de l’Axe. Les Grecs n’avaient cependant pas déposé les armes et, pendant toute la durée de la guerre, l’armée allemande, qui devait lutter contre une résistance acharnée, eut beaucoup de mal à garder le contrôle du pays. Comme en Italie et en France, les mouvements de résistance à l’occupation fasciste étaient dominés par la présence des communistes. ELAS, l’Armée Populaire de Libération, avait été fondée à l’initiative du parti communiste grec KKE quelques mois après l’invasion allemande. Elle rassemblait des partisans issus de toutes les sensibilités de gauche et des femmes ainsi que des ecclésiastiques, dont même quelques archevêques, combattaient dans ses rangs. L’EAM, l’aile politique d’ELAS était elle aussi dominée par les communistes. Sur les sept millions d’habitants que comptait alors la Grèce, deux millions étaient membres du parti EAM, tandis que 50 000 étaient des combattants actifs d’ELAS. ELAS était la bête noire des nazis et tentait avant tout de leur reprendre le contrôle du pays. Pour ses opérations, l’Armée de Libération recevait l’appui du SOE britannique dont les officiers apportaient leurs conseils aux résistants grecs sur le terrain et leur fournissaient armes et munitions. De nombreuses amitiés furent tissées entre les combattants d’ELAS et les agents de liaison du SOE. Mais les frères d’armes durent subitement se séparer quand le Premier ministre Winston Churchill décida en mars 1943 de cesser de soutenir ELAS, craignant qu’après la défaite de l’Axe, la Grèce passe sous le contrôle des communistes. Churchill envoya secrètement son ministre des Affaires étrangères Anthony Eden auprès de Staline en octobre 1943 afin de procéder au partage des Balkans. L’accord, scellé à Yalta, laissait aux États-uniens et aux Britanniques le champ libre en Grèce et prévoyait le passage de la Roumanie et de la Bulgarie sous contrôle soviétique. Dans le but de réduire l’influence des communistes et des socialistes grecs, Londres prévoyait de réinstaller au pouvoir l’ancien roi de Grèce qui dirigerait le pays avec l’aide d’un gouvernement conservateur. La directive du Foreign Office, le ministère des Affaires étrangères britannique, du 20 mars 1943, mentionnant ce revirement précise que le SOE devrait systématiquement se tourner vers les groupes disposés à soutenir le roi et le gouvernement et faire bien comprendre aux mouvements antimonarchiques que le roi bénéficie du soutien du gouvernement de Sa Majesté ». [1] Seulement le souverain n’était pas véritablement populaire dans le pays, à cause notamment de son choix de collaborer avec le dictateur fasciste Metaxas. Inspiré par Hitler et Mussolini, Metaxas avait instauré, vers la fin des années 1930, le salut fasciste, bras droit tendu vers l’avant, ainsi qu’une police secrète particulièrement brutale. Cependant, Londres poursuivait sa politique de soutien aux conservateurs et, en octobre 1943, le Foreign Office alla jusqu’à envisager une véritable politique visant à attaquer et à affaiblir l’EAM par tous les moyens disponibles », une stratégie qui fut finalement abandonnée car jugée susceptible de compromettre les chances de prendre l’avantage militairement et de s’avérer contre-productive en renforçant la légitimité politique de l’EAM ». [2] George Grivas Γεώργιο Γρίβα Le revirement des Britanniques fut un véritable choc pour les membres d’ELAS qui commencèrent à être la cible de chasses à l’homme menées par d’anciens collaborateurs pro-nazis et des unités spéciales d’extrême droite appuyées par les Britanniques comme les groupes X du soldat chypriote George Grivas. Churchill, qui observait la scène à distance, remarqua toutefois que les groupes X, incapables de susciter l’adhésion populaire, ne comptèrent guère plus de 600 membres, et qu’ELAS constituait donc toujours la principale force de guérilla du pays. C’est dans ce contexte que le Premier ministre britannique décida fin 1944 de prendre des mesures supplémentaires pour empêcher les communistes grecs d’accéder au pouvoir. Il donna l’ordre de créer en Grèce une nouvelle armée secrète d’extrême droite. Comme l’écrivit le journaliste Peter Murtagh une nouvelle unité fut créée au sein de l’armée grecque, qui fut appelée tour à tour Brigade Montagnarde Grecque, Force d’Intervention Hellénique ou LOK, son acronyme en grec Lochos Oreinon Katadromon ». Conçue comme une arme contre les communistes et les socialistes, l’unité était interdite à tous ceux dont la sensibilité politique oscillait entre le conservatisme modéré et la gauche véritable. Sous la supervision des officiers britanniques appliquant les ordres exprès de Churchill, l’unité fut constituée de royalistes et d’antirépublicains. » [3] Alexandre Papagos Αλέξανδρο Παπάγο Le maréchal Alexandre Papagos fut choisi pour être le premier directeur de la LOK et, avec le soutien des Britanniques, il entreprit de recruter des militants d’extrême droite et de combattre ELAS. [4] Alors que l’Armée de Libération Populaire devait lutter à la fois contre l’occupant nazi et contre la Force d’Intervention Hellénique, Churchill craignit le scandale qui risquerait d’éclater s’il devait être révélé à la population britannique que Londres soutenait secrètement les fascistes en lutte contre les communistes grecs. En août 1944, il ordonna donc à la BBC de ne faire aucune mention d’aucune sorte » d’ELAS en traitant de la libération de la Grèce. [5] Mais quelques semaines plus tard, la résistance grecque parvint finalement à vaincre l’occupant allemand et Hitler fut contraint de retirer ses troupes du pays. Winston Churchill exigea immédiatement que la résistance dépose les armes, ce qu’ELAS était disposée à accepter à condition que son dernier ennemi, la LOK, en fît autant. Le massacre de la place Syntagma La Grande-Bretagne refusant que l’armée secrète rende les armes, l’EAM organisa à Athènes une vaste manifestation démocratique pour dénoncer l’ingérence britannique dans les affaires politiques de la Grèce d’après-guerre. Celle-ci eut lieu le 3 décembre 1944, soit six semaines à peine après le départ des forces d’occupation allemandes. Les organisateurs de la manifestation avaient bien précisé leur intention de s’opposer aux Britanniques par des moyens pacifiques, la marche de protestation devant être le prélude à une grève générale. Peu après 11 h 00 ce matin-là, un groupe de 200 à 600 manifestants investit la place Syntagma, qui donne sous les fenêtres du Parlement. Ce petit groupe, constitué pour partie de femmes et d’enfants rassemblés dans une ambiance festive, devait être rejoint par une foule de 60 000 personnes qui avaient été retardées par des barrages policiers. Tandis que les quelques centaines de personnes s’avançaient sur la place, une rangée d’hommes en armes, constituée de policiers et de miliciens, parmi lesquels figuraient vraisemblablement des membres de la LOK, se dressa sur leur passage. Des soldats britanniques et des policiers équipés de mitraillettes avaient pris position sur les toits alentour. La tension était palpable. L’ordre fut donné de tirer sur ces enfoirés » et la manifestation pacifique tourna soudain au bain de sang. Une pluie de balles s’abattit sur les manifestants qui se dispersèrent dans toutes les directions. D’après des témoins, la fusillade dura près d’une heure. 25 manifestants trouvèrent la mort, dont un enfant de 6 ans, et 148 autres furent blessés. Quelques minutes plus tard, le cortège principal arriva sur les lieux. Faisant preuve d’un calme et d’une retenue étonnants, les 60 000 manifestants se rassemblèrent dans la solennité et le recueillement autour des dépouilles de leurs camarades abattus. Sur les bannières souillées du sang des morts, les slogans demandaient la fin de l’ingérence britannique dans les affaires grecques. De nombreux manifestants brandissaient des drapeaux états-uniens et grecs, d’autres le drapeau rouge du socialisme. Très peu arboraient l’Union Jack. À Londres, Churchill dut affronter la colère des Communes qui demandaient des explications sur les atrocités commises à Athènes. Tout en reconnaissant le caractère choquant » des faits, le Premier ministre britannique qualifia néanmoins de stupide la décision de faire défiler autant d’enfants dans une ville remplie d’hommes en armes. Le rôle de l’armée secrète d’extrême droite dans le massacre de la place Syntagma ne fit l’objet d’aucune enquête. [6] Suite à cette démonstration de force, les Britanniques restaurèrent la monarchie en Grèce et obtinrent d’ELAS que celle-ci rende les armes en échange de la promesse d’élections nationales démocratiques, lesquelles eurent lieu en mars 1946. Le parti communiste grec et le centre gauche ayant pris la décision maladroite de boycotter les urnes pour protester contre l’occupation du pays par les Britanniques, la droite remporta une victoire sans appel. On assista dès lors à une succession de gouvernements fantoches de droite à la botte de Londres. Convaincu que la Grèce ne manquerait pas de tomber sous l’autorité brutale de Staline si la gauche grecque accédait au pouvoir, le gouvernement continua à ordonner l’arrestation des membres d’EAM dont beaucoup furent torturés dans les camps de prisonniers de sinistre mémoire, bâtis sur les îles grecques. En 1945, la plupart des États célébrèrent la fin de la Seconde Guerre mondiale et, afin d’éviter qu’une telle tragédie ne se reproduise à l’avenir, ils fondèrent l’Organisation des Nations Unies. Mais la Grèce était toujours en proie aux combats et la guerre froide débuta. À force de frustration, une fraction de la gauche grecque résolut de reprendre les armes et le maquis et, à l’automne 1946, elle engagea une guerre civile contre les Britanniques et la droite locale. Exsangue au sortir de la guerre, le Royaume-Uni n’était plus en mesure d’assurer le contrôle du pays, au début de l’année 1947, il demanda donc de l’aide aux États-Unis. Le spécialiste de la CIA William Blum raconte que les responsables à Washington savaient parfaitement que leur nouveau “gouvernement-client” était si vénal et si négligent en matière de droits de l’Homme que même les anticommunistes états-uniens les plus fervents en étaient outrés ». [7] Cependant, comme la Yougoslavie communiste fournissait la gauche grecque en armes et vu que le pays semblait sur le point de basculer dans le communisme, le président Truman parvint en exposant sa fameuse doctrine à convaincre le Congrès de la nécessité d’une intervention officielle en Grèce. La Grèce fut ainsi le premier pays à être envahi par les USA dans le cadre de leur politique de lutte contre le communisme à l’échelle mondiale. Au cours des décennies qui suivirent, Washington se servit de l’exemple grec pour justifier ses invasions ouvertes ou clandestines en Corée, au Guatemala, en Iran, à Cuba, au Cambodge, au Nicaragua, au Panama et dans plusieurs autres pays. Par une étrange manœuvre idéologique, Truman qualifia le gouvernement conservateur corrompu d’Athènes de démocratique » et assimila ses opposants de gauche à des terroristes », tandis que les forces US débarquaient en Grèce avec de l’équipement lourd. Associées à la force d’intervention hellénique et aux autres unités paramilitaires locales, celles-ci disposaient d’effectifs six fois plus nombreux que les quelque 20 000 hommes et femmes réfugiés dans les montagnes grecques. Quand Staline comprit en 1948 que la guerre civile en Grèce pourrait déboucher sur un affrontement entre les deux superpuissances, la Yougoslavie fut exclue du bloc soviétique et l’approvisionnement en armes des partisans grecs commença à décroître. Leur situation s’aggrava encore à mesure que la LOK, à présent sous contrôle états-unien, était de mieux en mieux équipée et gagnait en puissance. Les USA lancèrent alors secrètement l’ Opération Torch » [“to torch” signifie incendier] au cours de laquelle des milliers de litres de napalm furent déversés sur les montagnes grecques. Fin 1948, la résistance grecque, après avoir battu sur son propre terrain les nazis puis les troupes britanniques, s’inclina finalement. La guerre civile s’acheva sur une victoire totale de la droite grecque et de son protecteur US. » [8] Konstantin Dovas Κνανίνο Δβα L’armée secrète anticommuniste LOK ne fut pas démantelée à la fin de la guerre civile, elle demeura opérationnelle afin de contrôler l’opposition grecque. Quand la Grèce fut admise au sein de l’OTAN en 1952, elle était devenue un parfait allié, client de confiance pour les USA. Elle était farouchement anticommuniste et très bien intégrée au système de l’OTAN. » [9] Clandestinement, la CIA et l’armée grecque dirigeaient, entraînaient et équipaient conjointement la LOK placée sous le commandement du maréchal Alexandre Papagos. L’armée secrète anticommuniste était pour la CIA un outil de premier choix pour influer sur la vie politique dans le pays. La coopération clandestine entre les services secrets états-uniens, l’armée et le gouvernement grec fut confirmée par une série de documents confidentiels dont la population grecque n’apprit l’existence que lors des révélations de 1990. Parmi ceux-ci figurait un document sur l’armée secrète grecque daté du 25 mars 1955 et signée par le général Truscott pour la CIA, par Konstantin Dovas, chef d’état-major de l’armée grecque, ainsi que par le Premier ministre du pays Alexandre Papagos. [10] Les signataires confirmèrent une nouvelle fois leurs engagements sur l’armée secrète le 3 mai 1960. [11] D’après le journaliste Peter Murtagh, la CIA avait fait de la LOK un programme prioritaire en Grèce. Au milieu des années 1950, la CIA aidait au financement et à l’approvisionnement de la Force d’intervention, elle l’a même minutieusement restructurée sur le modèle des unités d’élites états-uniennes et britanniques, les Delta Forces et le Special Air Service ou SAS. Sous le commandement de la CIA, les membres de la Force d’intervention se virent distribuer des bérets verts bien avant que ne soit créée l’unité du même nom. » Comme dans tous les autres pays d’Europe de l’Ouest, les relations entre les combattants locaux et les forces spéciales britanniques et états-uniennes étaient très cordiales. Après avoir subi un entraînement spécial à l’étranger, les officiers grecs étaient particulièrement fiers d’avoir été choisis pour rejoindre l’unité spéciale. Murtagh précise à juste titre que, par l’intermédiaire de la CIA, l’armée secrète grecque était elle aussi en liaison avec l’OTAN et son comité directeur stay-behind, l’ACC de Bruxelles. La Force d’intervention devint la branche grecque du réseau paneuropéen de guérilla mis en place par l’OTAN et la CIA dans les années 1950 et contrôlé depuis le quartier général de l’OTAN, à Bruxelles, par l’ACC, le Comité de Coordination Allié. » Parallèlement à sa mission de contrôle intérieur, la LOK fut aussi entraînée pour sa fonction stay-behind plus classique. Le réseau était spécialement conçu pour agir comme une force “stay-behind” après l’invasion de l’Europe par les Soviétiques. Il coordonnerait les actions de guérilla menées dans les différents pays occupés et assurerait la liaison avec les gouvernements en exil. Il devait impliquer les agents des polices secrètes et des services de renseignement des pays conquis, ainsi que des civils volontaires. La branche grecque de ce programme était aussi appelée “Opération Sheepskin” [peau de mouton]. » [12] La LOK ayant été créée dès 1944 par les Britanniques, cela en fait la plus ancienne des toutes les armées secrètes stay-behind actives en Europe pendant la Guerre froide. L’existence de l’armée secrète avait déjà été révélée en 1987 par l’ancien agent de la CIA Philip Agee dans son livre Dirty Work The CIA in Western Europe, ouvrage qui valut à son auteur de vives critiques de la part de l’Agence de renseignement et du Pentagone. Agee, qui avait travaillé pour la CIA en Amérique latine durant les années 1950, quitta l’Agence en 1969 pour des raisons d’éthique et commença dès lors à dénoncer les opérations terroristes et les violations des droits de l’Homme perpétrées par la CIA dans de nombreux pays en révélant le contenu de ces opérations et le nom des agents impliqués. Des années avant que le scandale Gladio n’éclate en Italie, Agee révéla que des groupes paramilitaires dirigés par des agents de la CIA avaient agi en Europe pendant les années 1960 ». Il souligna que de toutes les activités de la CIA, aucune n’était aussi directement liée au développement d’un potentiel de subversion interne ». [13] Selon Agee, le rôle joué par la CIA en Grèce fut véritablement décisif. L’agent gréco-américain travaillant pour la CIA recruta plusieurs groupes de citoyens pour constituer ce que la CIA appelait “un noyau voué à lever une véritable armée de citoyens pour contrer la menace d’un coup d’État de la gauche”. Chacun des groupes ainsi formés était entraîné et équipé afin d’opérer comme une unité de guérilleros autonomes, capables de mobiliser des hommes et de mener des actions de guérilla et ne nécessitant qu’une très légère, voire aucune supervision extérieure. » Le contrôle de l’armée secrète demeurait entre les mains de la CIA et de quelques officiers grecs à qui les services secrets états-uniens accordaient leur confiance. Les membres de chacun de ces groupes étaient initiés aux procédures militaires par la CIA. D’après les informations disponibles, la plupart de ces unités paramilitaires s’entraînaient dans deux camps l’un situé aux abords de Volos et le second près du Mont Olympe. Après une formation de base, les unités partaient ensuite s’entraîner dans des zones reculées du Pinde et dans les montagnes près de Florina. » À l’instar de toutes les armées secrètes dirigées par la CIA en Europe de l’Ouest, ces unités disposaient d’un armement léger entreposé dans des caches d’armes. Ces groupes de partisans étaient équipés d’armes automatiques ainsi que de mortier léger. Les armes étaient stockées dans divers endroits. La majeure partie du matériel militaire était dissimulée sous terre et dans des grottes. Chaque membre de ces groupes paramilitaires connaissait l’emplacement de ces arsenaux clandestins, afin de pouvoir s’y rendre sans avoir besoin des instructions de ses supérieurs ». [14] En raison du grand nombre de personnes impliquées, plusieurs cercles devaient être mis dans la confidence ce qui rendait par conséquent plus difficile de protéger le secret entourant l’armée stay-behind et ses liens avec la CIA. Il est devenu de plus en plus difficile de tenir le projet secret. Un agent de la CIA a qualifié la situation de “cauchemar” », raconta Agee avant d’ajouter Pour autant qu’on le sache, le groupe paramilitaire n’a jamais été démantelé. Aux yeux des hauts responsables de la CIA, les groupes placés sous le commandement de la branche paramilitaire sont comme une “assurance” à long terme sur les intérêts US en Grèce, ils peuvent être utilisés pour appuyer ou pour diriger le possible renversement d’un gouvernement “antipathique”. “Antipathique” du point de vue de la stratégie de manipulation états-unienne, bien entendu. » [15] La CIA investit des millions de dollars dans l’armée secrète grecque et bâtit un véritable complexe de refuges et de centres d’entraînement aux abords du Mont Olympe dans le nord-est du pays où les membres de la LOK étaient formés par des instructeurs de la CIA à diverses pratiques telles que le ski, le saut en parachute et la plongée sous-marine. [16] Environ 800 caches d’armes furent aménagées sur l’ensemble du territoire et l’on estime les effectifs de l’armée secrète à près de 1 500 hommes qui, en cas de besoin, pouvaient en recruter 2 000 autres, portant ainsi le nombre total de ces soldats d’élite à près de 3 500. [17] Thomas Karamessines L’agent gréco-américain de la CIA mentionné par Agee et qui joua un rôle central dans la création et la direction de l’armée secrète grecque était Thomas Karamessines. Comme bon nombre de ses collègues de l’Agence, Karamessines avait travaillé pour les services secrets états-uniens OSS Office of Strategic Services pendant la Seconde Guerre mondiale. En raison de son anticommunisme radical et de ses racines grecques, il fut affecté à l’ambassade US à Athènes en janvier 1946, officiellement comme attaché militaire. Pendant la guerre civile, il établit des contacts avec des responsables de la sécurité britanniques et grecs et des membres de la Force d’intervention hellénique. Quand la CIA fut créée pour remplacer l’OSS en 1947, Karamessines installa le quartier général de l’Agence au cinquième étage du Tamion Building qui donne sur la Place Syntagma. En quelques années, l’antenne de la CIA compta plus d’une centaine d’agents, des Gréco-Américains comme Karamessines pour la plupart. Athènes devint alors la base arrière des activités de la CIA dans la péninsule balkanique et au Moyen-Orient, y compris jusqu’en Iran. Prenant une part active aux opérations spéciales et à la création des armées anticommunistes de la CIA, Karamessines fut transféré à Rome en 1958 où, en tant que chef de station, il dirigea le Gladio italien et la lutte engagée contre les communistes locaux. En 1962, il fut contraint de quitter l’Italie suite à des rumeurs sur son implication dans la mort de l’industriel et patron d’ENI Enrico Mattei, survenue dans des circonstances troubles. De retour aux États-Unis, le soldat de l’ombre Karamessines prit la tête du département des opérations spéciales de la CIA en étant nommé directeur adjoint aux Plans. Il semble qu’il ait aussi mené le combat sur le sol états-unien en effet, suite à l’assassinat du président Kennedy en 1963, il fut accusé d’avoir fait disparaître certains indices et d’avoir détruit des documents compromettants. Karamessines veilla à ce que la CIA non seulement finance mais également contrôle le service de renseignement militaire KYP, en dépit du fait que celui-ci ait régulièrement recours à la torture. Grâce à nos objectifs communs, et bien sûr à l’argent que nous fournissions, collaborer avec eux était assez facile », se souvint un ancien agent de la CIA qui avait été stationné en Grèce. Les hommes du KYP s’y entendaient assez bien pour faire parler les communistes et tous ceux qui flirtaient avec les Soviétiques. » [18] Les agents grecs écoutaient les communications radio des Bulgares et des Roumains et envoyaient les bandes aux États-Unis où elles étaient décodées par les experts de la NSA. En espionnant l’opposition grecque, le KYP et la CIA amassèrent pas moins de 15 tonnes de données et constituèrent 16,5 millions de dossiers sur les citoyens grecs considérés comme une menace pour l’État. Quand le stockage des archives commença à poser un sérieux problème, la CIA fournit au KYP un système informatique. Ironie de l’Histoire, la première démocratie moderne, les USA, offrit à la première démocratie de l’Antiquité, la Grèce, les premiers ordinateurs destinés au contrôle de la population. Le chef du KYP se montra particulièrement enthousiaste devant cette nouvelle machine, il invita même la presse à venir la contempler. Posant fièrement à côté du très imposant appareil, il déclara Les Grecs peuvent dormir sur leurs deux oreilles car cette merveille de technologie américaine, elle, reste toujours en éveil », sur quoi, afin de démontrer l’efficacité du système, il appuya sur un bouton ennemi du pays », ce qui eut pour effet de faire apparaître le dossier personnel d’un journaliste présent sur les lieux et d’embarrasser quelque peu les agents du KYP. [19] La CIA et l’oligarchie locale contrôlant la gauche et les communistes grecs par l’intermédiaire de la LOK et du KYP, la seule menace pour l’équilibre du pouvoir provenait des élections démocratiques. Laughlin Campbell, chef de station de la CIA de 1959 à 1962, craignait une victoire de la gauche aux élections nationales d’octobre 1961, de nombreux électeurs furent donc incités, par la menace ou par l’argent, à voter conformément aux directives du KYP. Dans certains villages, les candidats soutenus par l’armée et la CIA obtinrent même plus de voix qu’il n’y avait d’habitants en âge de voter. Tout fonctionna comme prévu et l’union du centre dont l’inclination à gauche était redoutée n’obtint qu’un peu plus du tiers des suffrages, ce qui lui garantit 100 sièges au Parlement. Son leader, George Papandreou cria à la fraude électorale et obtint qu’une commission indépendante mène l’enquête. Quand celle-ci confirma ses allégations, Papandreou promit au gouvernement une lutte sans merci. George Papandreou Γεώργιο Παπανδρέου. Ne pas confondre avec son petit-fils pro-US. Bénéficiant d’un réel soutien populaire, Papandreou trouva le courage de défier la CIA et le KYP et, en 1963, il contraignit le Premier ministre pro-US Konstantin Karamanlis à la démission. Les tensions s’accentuèrent aux élections de 1963, où l’Union du Centre obtint 42 % des suffrages et 138 des 300 sièges du Parlement. À la tête du premier parti de l’union, Papandreou fut nommé Premier ministre en février 1964. Pour la première fois depuis l’occupation allemande, la droite grecque se voyait en situation de perdre une grande partie de son poids politique. Papandreou tenait les rênes du pays pour quatre ans, une évolution qui ébranla l’establishment conservateur. Pour beaucoup, y compris pour certains conseillers de premier plan, cela laissait présager une prise de pouvoir imminente par les communistes, et cela, ils étaient bien décidés à l’enrayer. » [20] Il fallait renverser le Premier ministre George Papandreou. Jack Maury, qui avait remplacé Campbell à la tête de l’antenne athénienne de la CIA, reçut l’ordre de se débarrasser de Papandreou. Le chef de station aimait faire étalage de son pouvoir il portait des costumes voyants, d’énormes chevalières et conduisait une grosse voiture américaine, plus grande que celle de l’ambassadeur », comme il se plaisait à le souligner. Il complota en secret avec le roi Constantin et des officiers royalistes et conservateurs de l’armée grecque et, en 1965, il parvint à démissionner George Papandreou par prérogative royale. [21] La période qui suivit ce coup silencieux fut caractérisée par des gouvernements éphémères et les efforts clandestins entrepris par le KYP, sur les conseils de l’agent Constantin Plevris, pour conditionner le climat politique. Il y eut à cette époque plusieurs attentats dans le pays. En 1965, le pont de Gorgopotamos fut détruit par une explosion au moment précis où l’ensemble de la classe politique commémorait la résistance au nazisme. Le choix du lieu était hautement symbolique puisque les Grecs étaient particulièrement fiers d’avoir empêché les Allemands de le détruire pendant l’occupation. L’attentat fit cinq morts et une centaine de blessés, dont beaucoup grièvement. Après tout, nous étions officiellement formés au terrorisme », commenta par la suite un agent impliqué dans des opérations stay-behind, soulignant ainsi le puissant soutien dont ces hommes avaient bénéficié. [22] Alexandre Mastas Αλέξανδρο Μάα Ce soutien provenait de l’administration de Lyndon Johnson, à Washington, qui avait déjà eu l’occasion à Chypre de signifier au gouvernement grec qui était aux commandes. À l’été 1964, le président Johnson convoqua l’ambassadeur grec Alexandre Matsas à la Maison-Blanche et lui dit que les problèmes de Chypre devaient être résolus par la partition de l’île en deux zones, l’une grecque, l’autre turque. Matsas refusa, provoquant la fureur de Johnson Écoutez-moi bien, M. l’ambassadeur. Je me fous de votre Parlement et de votre Constitution. L’Amérique est un éléphant. Chypre est une puce. La Grèce est une puce. Si ces deux puces continuent à chatouiller l’éléphant, il pourrait bien les écraser d’un coup de trompe, et pour de bon ! » Comme le soulignait Johnson, le gouvernement grec devait se conformer aux ordres de la Maison-Blanche. Les Grecs profitent largement des dollars américains, M. l’Ambassadeur. Si votre Premier ministre continue à me parler de Démocratie, de Parlement et de Constitution, il se pourrait bien que lui, son Parlement et sa Constitution n’en aient plus pour très longtemps. » [23] Quand Matsas, outré, tenta de protester Je ne peux tolérer de telles manières », Johnson continua N’oubliez pas de répéter à votre vieux Papa-je-ne-sais-plus-quoi ce que je viens de vous dire. N’oubliez pas de lui dire, vous m’entendez ? », sur quoi Matsas câbla la conversation au Premier ministre George Papandreou. Quand la NSA intercepta le message, le téléphone de Matsas sonna. C’était le président Johnson Vous cherchez les ennuis, M. l’ambassadeur ? Vous voulez vraiment que je me mette en rogne ? Il s’agissait d’une conversation privée. Vous n’étiez pas censés répéter les termes que j’ai employés devant vous. Faites attention. » [24] Clic. Fin de la communication. Andreas Papandreou, le fils du Premier ministre, observait avec un certain dégoût le jeu de manipulations et la guerre secrète qui se livraient dans son pays. Après avoir fréquenté un mouvement trotskiste alors qu’il était étudiant, Andreas avait quitté la Grèce pour les États-unis dans les années 1930, afin d’échapper à la répression du régime dictatorial de Metaxas. Naturalisé états-unien, il avait embrassé une brillante carrière d’économiste et d’universitaire, dirigeant le département d’économie de l’université de Californie, à Berkley. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il avait servi dans la Marine US et, après 1945, il fut approché par la CIA afin de rejoindre le bureau politique de la zone méditerranéenne. Quand, vers la fin des années 1950, il comprit le rôle que jouaient les États-Unis en Grèce, il coupa les ponts avec la CIA et regagna son pays natal où il devint l’un des plus virulents détracteurs de la politique états-unienne. Dans un style démagogique rappelant celui de Castro, le jeune Papandreou s’en prenait dans ses discours enflammés à l’ingérence des USA dans les affaires grecques, à l’OTAN, à la corruption du roi, aux partis conservateurs et aux élites grecques en général. Le Pentagone et la CIA enragèrent de voir qu’un deuxième Papandreou osait défier la présence US en Grèce. Pour le journaliste Peter Murtagh, on peut à peine imaginer la haine qu’éprouvaient la droite conservatrice et la CIA pour le fils du Premier ministre ». [25] En 1964, Andreas Papandreou, qui assumait des fonctions ministérielles, découvrit que le KYP espionnait régulièrement les conversations des membres du gouvernement et transmettait les informations ainsi obtenues à la CIA. De colère, il révoqua deux hauts responsables du service et les remplaça par deux agents jugés plus fiables à qui il ordonna de mettre un terme à toute forme de coopération avec la CIA. Cependant, comme le raconta Papandreou lui-même, le nouveau directeur du KYP reparut en s’excusant, expliquant qu’il ne pouvait le faire. Tout le matériel était états-unien, contrôlé par la CIA ou par des Grecs eux-mêmes sous les ordres de la CIA. Il n’était plus possible de faire la distinction entre les deux services. Ils étaient bâtis selon la même structure et chaque responsable avait son homologue. Concrètement, ils formaient une seule et même agence. » [26] Andreas Papandreou Ανδρέα Παπανδρέου Alors qu’Andreas Papandreou continuait à défier le KYP, Norbert Anshutz, l’adjoint du chef de mission de l’ambassade US, le rencontra et lui conseilla d’annuler les ordres qu’il avait transmis au KYP. Papandreou refusa et ordonna au représentant états-unien de quitter son bureau, à la suite de quoi, Anshutz, très en colère, l’avertit qu’ il y aurait des conséquences ». [27]] Le coup d’État militaire survint la nuit du 20 au 21 avril 1967, un mois avant la tenue des prochaines élections pour lesquelles toutes les enquêtes, y compris celles de la CIA, prévoyaient un triomphe de l’union du centre, l’alliance de gauche de George et Andreas Papandreou. La LOK déclencha le putsch, basé sur le plan Prométhée, un programme conçu par l’OTAN qui devait être mis en œuvre en cas d’insurrection communiste. En cas d’opposition, le plan était très clair Écraser sans la moindre hésitation toute résistance de l’ennemi ». [28] Vers minuit, la LOK prit le contrôle du ministère de la Défense grec qui, signe de l’admiration vouée aux États-uniens, avait été baptisé le Pentagone ». Les hommes de la LOK ne rencontrèrent qu’une très faible résistance et, sous le commandement du colonel Costas Aslanides, un parachutiste aguerri, le bâtiment fut sécurisé. Une fois le Pentagone investi par les putschistes, la deuxième phase fut déclenchée à la faveur de l’obscurité, des blindés entrèrent dans la capitale et, emmenés par le général Sylianos Pattakos, ils encerclèrent le Parlement, le palais royal, les bâtiments de la radio et les centres de communication. À la tête de sa colonne de blindés, Pattakos emprunta le même itinéraire que celui pris par les Allemands quand ils avaient conquis Athènes en avril 1941. De temps à autre les blindés s’arrêtaient et cherchaient du regard le signe d’une éventuelle résistance. Mais il n’y en eut pas. Athènes était endormie. Cette nuit-là, George Papandreou, alors âgé de 78 ans, était lui aussi endormi dans sa modeste maison aux murs blanchis de Kastri, à quelques kilomètres de la capitale. Comme dans tous les coups d’État, le plan était effroyablement simple. Des hommes en armes frappèrent à sa porte, Papandreou fut arrêté et emmené dans l’un des deux véhicules militaires qui avaient cerné la maison. Au même moment, 8 hommes firent irruption au domicile d’Andreas Papandreou, 7 portaient des baïonnettes au canon, le huitième une mitraillette. Dans la confusion qui s’en suivit, Andreas parvint à s’échapper par le toit, mais, l’un des soldats le força finalement à se rendre en pointant une arme sur la tête de son fils de 14 ans. Conformément aux plans très précis établis à l’avance, au cours des 5 heures qui suivirent, plus de 10 000 citoyens furent arrêtés par des escadrons militaires et conduits vers des centres d’accueil ». Lors d’un entretien qu’il accorda un an plus tard, le colonel Yannis Ladas, le directeur de la police militaire grecque, alors âgé de 47 ans, souligna avec fierté la précision et la rapidité avec laquelle le plan de l’OTAN avait été appliqué. En seulement 20 minutes, tous les politiciens, tous les individus, tous les anarchistes figurant sur les listes ont pu être raflés ... c’était un plan très simple, un plan diabolique. » [29] À son réveil, la population grecque s’aperçut tout d’abord que le téléphone avait été coupé, avant de réaliser que les militaires avaient pris le pouvoir. À six heures, le colonel George Papadhopoulos annonça dans les médias qu’il avait pris le pouvoir afin de défendre la démocratie, la liberté et le bonheur. Onze articles de la Constitution furent suspendus. Les citoyens pouvaient à présent être arrêtés sur-le-champ et sans mandat et traînés devant un tribunal militaire. Les manifestations et les grèves furent interdites et les comptes bancaires gelés. Le nouvel homme fort d’Athènes, George Papadhopoulos, servait comme officier de liaison du KYP auprès de la CIA depuis 1952 et il était connu au sein de son service comme l’homme de confiance du chef de station Maury. À Washington cependant, tout le monde n’approuvait pas les méthodes brutales de la CIA. Quelques jours après le putsch, le sénateur Lee Metcalf critiqua vivement l’administration Johnson et dénonça devant le Congrès la junte grecque qu’il qualifia de régime militaire de collaborateurs et de sympathisants du nazisme ... bénéficiant du soutien américain ». [30] Une semaine après le coup d’État, l’ambassadeur US à Athènes, Philip Talbot, se plaignit auprès de Maury, assimilant l’opération menée par les États-Unis à un viol de la démocratie ». Maury répondit simplement Comment voulez-vous violer une pute ? » [31] À cause de l’implication de la Force d’intervention hellénique, le coup d’État militaire en Grèce fut qualifié de coup Gladio ». Or on ne trouve qu’un seul autre pays où les armées secrètes anticommunistes se sont livrées à des putschs la Turquie. En Italie, le réseau Gladio avait réalisé un coup silencieux » en juin 1964, lors de l’opération Piano Solo » au cours de laquelle le général De Lorenzo, l’homme de confiance de la CIA, était entré dans Rome avec chars, transports de troupes blindés, jeeps et lance-grenades tandis que les forces de l’OTAN effectuaient de grandes manœuvres militaires dans la région. L’opération avait abouti à la démission des ministres socialistes. L’historien états-unien Bernard Cook a souligné à juste titre que Piano Solo ressemble au plan Prométhée mis en œuvre par le Colonel George Papadhopoulos en 1967 pour instaurer un gouvernement militaire en Grèce. Avec pour but de déstabiliser l’Italie et d’enrayer la progression de la gauche, le plan n’était rien de plus qu’une “copie conforme de Gladio” ». [32] Collin, un expert en questions militaires, convient que le projet de De Lorenzo était similaire par ses aspects techniques à celui par lequel le colonel Papadhopoulos a pris le pouvoir en Grèce quelques années plus tard ». [33] La junte militaire grecque consolida son pouvoir en généralisant les emprisonnements et l’usage de la torture, des pratiques que l’on n’avait plus observées en Europe de l’Ouest depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. La plupart des personnes arrêtées dans les heures qui suivirent le coup d’État furent ensuite transférées vers des prisons civiles ou militaires. Des communistes, des socialistes, des artistes, des universitaires, des journalistes, des étudiants, des femmes engagées en politique, des ecclésiastiques et leurs familles et amis furent torturés. On leur arrachait les ongles. On leur frappait les pieds à coups de bâton jusqu’à ce que la peau se déchire et que les os se brisent. On introduisait des objets tranchants dans le vagin des femmes. On enfonçait des linges souillés, souvent avec de l’urine ou des excréments, dans la gorge des victimes pour les asphyxier, on insérait des tubes dans leur anus et on y injectait de l’eau à très haute pression, on leur faisait subir des électrochocs. [34]] Nous sommes tous des démocrates ici », tenait à préciser l’inspecteur Basil Lambro, le chef de la police secrète d’Athènes. Tous ceux qui sont amenés ici parlent. Vous n’allez pas gâcher nos statistiques. » Le tortionnaire exposait clairement la situation à ses victimes Nous sommes le gouvernement. Vous n’êtes rien. Le gouvernement n’est pas seul. Il est soutenu par les États-uniens. » S’il était d’humeur, Lambro pouvait également livrer son analyse géopolitique Le monde se divise en deux camps les Russes et les États-uniens. Nous sommes les États-uniens. Estimez-vous heureux qu’on ne vous ait qu’un peu torturés. En Russie, ils vous auraient tués. » [35] La droite italienne et ses combattants secrets étaient admiratifs de l’efficacité avec laquelle les Grecs étaient parvenus, avec l’aide de la CIA, à vaincre la gauche. En avril 1968, les colonels grecs invitèrent une cinquantaine de fascistes italiens, dont le célèbre Stefano Delle Chiaie, à se rendre en Grèce pour observer par eux-mêmes. À leur retour en Italie, les Gladiateurs franchirent un cap dans la violence et commencèrent à poser des bombes dans des endroits publics. Ces attentats, qui tuèrent et mutilèrent des centaines de personnes, furent imputés aux communistes italiens. Les militaires de la junte grecque furent à leur tour impressionnés de voir avec quelle efficacité leurs camarades italiens avaient amené leur pays au bord du coup d’État et le 15 mai 1969, Papadhopoulos leur envoya ce télégramme de félicitations Son excellence le Premier ministre constate que les efforts mis en œuvre depuis quelque temps en Italie par le gouvernement grec commencent à porter leurs fruits ». [36] La dictature militaire finit par imploser à cause d’une absence quasi-totale de soutien populaire après que les colonels se soient engagés dans une aventure impérialiste en finançant en 1974 un coup d’État à Chypre visant à remplacer le gouvernement légitime de gauche de l’archevêque Makarios par un régime fantoche qui aurait permis l’annexion de l’île. Au lieu de cela, en réponse au putsch, les troupes turques envahirent Chypre. Cela donna lieu à de violents affrontements qui firent plusieurs milliers de morts et provoquèrent finalement la partition de l’île entre le Nord turc et le Sud grec. Les colonels furent arrêtés et traduits en justice. Papadhopoulos fut condamné à mort en 1975 pour haute trahison, sa peine fut par la suite commuée en emprisonnement à vie. L’abolition de la monarchie fut votée par référendum et une nouvelle Constitution fut adoptée. Après avoir été libéré de prison, Andreas Papandreou passa quelques années en exil au Canada et en Suède. Il regagna son pays à la chute du régime des colonels et reprit sa carrière politique. Il fonda le Mouvement Socialiste panhellénique PASOK qui remporta les élections de 1981. Nommé Premier ministre, il forma le premier gouvernement socialiste de la Grèce d’après-guerre. La même année, le pays devint un membre à part entière de la Communauté Européenne, mais Papandreou ne se départit pas de son style radical et menaça à plusieurs reprises de se retirer de l’OTAN. Il ne mit jamais sa menace à exécution, mais, six mois avant sa mort, lors des révélations sur le Gladio italien, Andreas Papandreou fut le premier ex-chef de gouvernement à confirmer qu’une armée secrète du même type avait aussi existé dans son pays. C’est cette révélation qui donna au scandale son ampleur internationale et provoqua l’embarras des responsables politiques du continent. Le 30 octobre 1990, Andreas Papandreou déclara dans un entretien accordé au journal grec Ta Nea que c’est en 1984, alors qu’il était Premier ministre, qu’il avait découvert en Grèce une armée secrète commandée par l’OTAN très semblable au Gladio italien et qu’il avait ordonné son démantèlement. L’ancien ministre de la Défense Nikos Kouris confirma que l’armée secrète grecque avait été active pendant la Guerre froide. Notre projet de structure clandestine a été lancé en 1955 », prétendit-il par un accord conclu entre le chef de services secrets grecs et la CIA. Quand j’ai appris l’existence de ce pacte inacceptable ... j’en ai informé Andreas Papandreou ... et l’ordre a été donné de dissoudre Red Sheepskin. » [37]] Fin 1990, des voix s’élevèrent dans les rangs de l’opposition socialiste pour exiger l’ouverture d’une enquête parlementaire, mais la demande fut rejetée par le gouvernement conservateur d’alors et par le nouveau parti démocrate. Le ministre de la Défense Ioannis Varvitsiotis dut reconnaître devant le Parlement que l’information fournie par Papandreou était exacte et que la CIA et des commandos locaux avaient bien bâti un réseau secret, dans le cadre d’une opération baptisée Sheepskin, qui avait apparemment été démantelé en 1988 ». [38] Le ministre de l’Ordre public grec, Yannis Vassiliadis, indiqua cependant que la police n’enquêterait pas sur des fantasmes » de liens entre l’opération Sheepskin et les actes de terrorisme perpétrés sur le territoire national. Comme bon nombre de ses homologues européens, le ministre insista sur la fonction stay-behind de l’armée secrète grecque, en démentant catégoriquement toute tentative de contrôle de la politique intérieure Sheepskin était l’un des plans conçus par l’OTAN dans les années 1950 et né de l’idée que lorsqu’un pays est victime d’une occupation ennemie, il est préférable qu’il dispose d’un réseau de résistance organisé. Il prévoyait que soient répartis sur le territoire des caches d’armes et des agents qui formeraient le noyau combattant de la guérilla. En d’autres termes, c’était un acte défendable au nom de l’intérêt national. » [39] Comme malgré tout l’opposition continuait à réclamer une enquête officielle, le ministre de la Défense Varvitsiotis souligna qu’il n’y avait aucun besoin d’ouvrir une enquête parlementaire sur l’armée secrète puisque lui-même allait régler cette affaire délicate au sein de son ministère. Il confia cette investigation potentiellement explosive à un général qui avait servi à l’OTAN et comme attaché militaire à Washington. Avant même que soit bouclé le rapport sur le stay-behind grec, Varvitsiotis put donc garantir à ses collègues que le gouvernement [n’avait] absolument rien à craindre ». [40] [1] Mackenzie, W. J. M., History of the Special Operations Executive Britain and the resistance in Europe British Cabinet Office, Londres, 1948, L’original du Bureau des Archives Publiques de Londres n’a toujours pas été publié, il le sera prochainement chez Frank Cass.[2] Mackenzie, Special Operations Executive, Le journaliste du Guardian Peter Murtagh a écrit un récit passionné de la trahison de la résistance grecque et de la confiscation de la démocratie en Grèce par les Anglo-Saxons durant la Guerre froide. Basé sur des documents récemment déclassifiés et sur des entretiens avec plusieurs diplomates états-uniens et britanniques et des employés de la CIA, son livre porte le titre éloquent The Rape of Greece. The King, the Colonels, and the Resistance Simon & Schuster, Londres, 1994, [Le Viol de la Grèce. Le Roi, les Colonels et la Résistance][4] Aucun auteur spécifié, Spinne unterm Schafsfell. In Südeuropa war die Guerillatruppe besonders aktiv – auch bei den Militärputschen in Griechenland und der Türkei ? » Dans le magazine d’informations allemand Der Spiegel, N°48, du 26 novembre 1990. Et Leo Müller, Gladio. Das Erbe des Kalten Krieges. Der NATO Geheimbund und sein deutscher Vorläufer Rowohlt, Hambourg, 1991, Murtagh, Rape, Ibid., Voir aussi The Concise History of Greece Cambridge University Press, 1992 du professeur Richard Clogg, qui écrit que Des policiers indisciplinés ont ouvert le feu sur une manifestation sur la Place de la Constitution, au cœur de la ville, faisant une quinzaine de morts », William Blum, Killing Hope US Military and CIA interventions since World War II Common Courage Press, Maine, 1995, Murtagh, Rape, Blum, Killing Hope, Müller, Gladio, Et Jens Mecklenburg ed., Gladio Die geheime Terrororganisation der Nato Elefanten Press, Berlin, 1997, Jacques Baud, Encyclopédie du renseignement et des services secrets Lavauzelle, Paris, 1997, Murtagh, Rape, Philip Agee et Louis Wolf, Dirty Work The CIA in Western Europe Lyle Stuart Inc., Secaucus, 1978, Agee, Dirty Work, and 156.[15] Ibid.[16] Murtagh, Rape, Magazine politique autrichien Zoom, N°4/5, 1996, Es muss nicht immer Gladio sein. Attentate, Waffenlager, Erinnerungslücken », Murtagh, Rape, Ibid., Ibid., Blum, Killing Hope, Aucun auteur spécifié, Spinne unterm Schafsfell. In Südeuropa war die Guerillatruppe besonders aktiv – auch bei den Militärputschen in Griechenland und der Türkei ? » dans l’hebdomadaire d’informations allemand Der Spiegel, N°48, du 26 novembre 1990.[23] Murtagh, Rape, Ibid.[25] Ibid., Cité dans Blum, Killing Hope, Ibid., Murtagh, Rape, Ibid., Christopher Simpson, Blowback America’s Recruitment of Nazis and its Effects on the Cold War Weidenfeld and Nicolson, Londres, 1988, Agee, Dirty Work, Bernard Cook, The Mobilisation of the Internal Cold War in Italy dans History of European Ideas. Vol. 19, 1994, Cook écrit “une copie conforme de Gladio” entre guillements car il cite Paul Grinsborg, A History of Contemporary Italy Society and Politics, 1943–1988 Penguin, New York, 1990, Richard Collin, The De Lorenzo Gambit The Italian Coup Manque of 1964 Sage, Beverly Hills, 1976, Voir Amnesty International, Torture in Greece The First Torturer’s Trial in 1975. Londres, 1977. Passim. Et Blum, Killing Hope, Murtagh, Rape, Murtagh, Rape, Jean-Francois Brozzu-Gentile, L’affaire Gladio Editions Albin Michel, Paris, 1994, 42 and 90. Le quotidien britannique The Observer a apparemment publié dans l’une de ses éditions le message câblé le 15 mai 1969 par les colonels grecs à leurs amis italiens. Brozzu-Gentile ne précise toutefois pas de quelle édition il s’agit. Le voyage effectué par les fascistes italiens chez les colonels grecs dans le cadre de l’opération Gladio est également rapporté dans le rapport parlementaire italien sur Gladio et les attentats Senato della Repubblica. Commissione parlamentare d’inchiesta sul terrorismo in Italia e sulle cause della mancata individuazione dei responsabiliy delle stragi Il terrorismo, le stragi ed il contesto storico politico. Redatta dal presidente della Commissione, Senatore Giovanni Pellegrino. Rome, 1995, Gentile, Gladio, John Palmer, Undercover NATO Group may have had terror links’ » dans le quotidien britannique The Guardian du 10 novembre 1990.[39] Agence de presse internationale Associated Press, le 14 novembre 1990.[40] Aucun auteur spécifié, Spinne unterm Schafsfell. In Südeuropa war die Guerillatruppe besonders aktiv – auch bei den Militärputschen in Griechenland und der Türkei ? » Dans l’hebdomadaire d’informations allemand Der Spiegel, N°48, 26 novembre 1990. Lechiffre est sans appel : selon un sondage, 68% des Français sont contre la nouvelle tranche d’aide destinée à sauver la Grèce de la banqueroute.Un retournement complet par rapport à un précédent sondage, avant l’été, qui donnait une bonne majorité (59%) en faveur de l’aide financière à Athènes.
Publié le 01/04/2021 par PCF Nous voulons d’abord saluer le travail des milliers de scientifiques qui ont contribué à ce rapport, en particulier des experts français du GIEC. Femmes et hommes de science, souvent financés par des services publics, jouent un rôle essentiel de lanceurs d’alerte. Un réchauffement climatique gravissime ! Ce lundi 9 août, le rapport du groupe 1 du GIEC, confirme la gravité du déréglement climatique déjà mesurable avec +1,1 degré de réchauffement. Les conséquences, comme en témoignent les feux de forêts Canada, Russie, Grèce et les inondations Allemagne et Belgique de grande ampleur sont gravissimes. Il y a 30 ans, les experts avaient déjà correctement anticipé par leurs calculs cette évolution dramatique que nous connaissons aujourd’hui. Dans la continuité des 5 autres rapports du GIEC, les chercheurs sont de plus en précis montée des températures, jusqu’à rendre de vastes zones de la planète invivables ; montée du niveau des océans, avec une fonte des glaciers plus rapide que prévu ; perturbation des écosystèmes océaniques en proie à une acidification... c’est un changement du niveau de la dernière déglaciation il y a 20 000 ans qui a pourtant pris plusieurs milliers d’années pour s’établir à l’époque, qui se produit ici sous nos yeux à l’échelle d’une vie humaine et avec une vitesse 30 fois plus rapide ! Aucun écosyteme n’est capable de s’adapter à une telle évolution et les conséquences irréversibles vont se sentir encore durant des milliers d’années. La sécurité alimentaire mondiale est en jeu directement ainsi que le déplacement de centaines de millions de personnes des zones côtières. Ce rapport le montre à nouveau chaque dixième de degrés compte. Il faut tout mettre en œuvre pour maintenir le réchauffement global en dessous de +1,5 degré. Pour atteindre cet objectif préconisé par l’Accord de Paris, le monde doit parvenir à la neutralité carbone d’ici 2050. Ainsi, l’ONU préconise de baisser de 7,4 % chaque année les émissions de 2020 à 2030, soit l’équivalent des conséquences de la crise du Covid, c’est dire l’ampleur des transformations à mener, à la fois pour atténuer le changement climatique, mais aussi pour s’y adapter. Or, selon l'Agence internationale de l'énergie, nous sommes plutôt sur la trajectoire de 3,5 degrés de réchauffement, ce qui serait catastrophique. Changer de politique est urgent et possible ! Le système capitaliste actuel, finançant les activités polluantes et avec pour seule boussole le profit et la rentabilité à court terme est incapable de répondre à ce défi, comme en témoigne le refus du G20 de juillet dernier de s’engager dans des mesures compatibles avec l’objectif 1,5 degré. Il faut dès maintenant revoir les critères de financement et le rôle des banques pour réorienter l’argent vers tous les investissement bas carbone transports, énergie, logement, agriculture, procédés industriels. Cela heurte le cœur même du fonctionnement du capitalisme qui doit être dépassé. L’heure est grave, il faut prendre le pouvoir sur l’économie ! Il s’agit aussi dès maintenant de rendre effectif le fonds vert de 100 milliards d’euros par an pour aider les plus pauvres promis lors de l’Accord de Paris de 2015, qui ne se traduit pas dans les montants actuellement alloués. Ce sera tout l’enjeu de la COP 26 qui se déroulera à Glasgow, en novembre prochain seuls des changements politiques majeurs à travers le monde nous permettront d'être à la hauteur de l'enjeu. Quant à la France, les mesures sont clairement insuffisantes comme l’a pointé récemment le Haut conseil pour le Climat son devoir d’exemplarité doit la conduire à avoir un objectif de neutralité carbone et réduire également, au-delà de ses seules émissions territoriales, son empreinte carbone, conséquence de nombreux produits importés et consommés en France. Nous n’en prenons pas le chemin avec la politique menée sous le quinquennat d'Emmanuel Macron ! Plus ambitieux que la neutralité carbone, le PCF et son candidat à l'élection présidentielle, Fabien Roussel préconisent de viser une empreinte carbone nulle d’ici 2050 ce qui suppose une relocalisation des industries et des efforts accrus dans l’efficacité énergétique, ainsi que de conserver notre atout d’une électricité qui est déjà décarbonnée à plus de 90 %. Tous les leviers doivent être mobilisés à cette fin, qu’il s’agisse de progrès techniques ou de gains en sobriété énergétique, qui permettent, ensemble, que la politique climatique ne soit pas synonyme de régression sociale. Nous appelons aussi à une hausse significative des budgets de recherche, des volumes d’enseignements scientifiques et à un encouragement massif à la vulgarisation scientifique dans les médias pour que chaque soit de ce bouleversement sans précédent, et acteur des combats écologiques à mener. Paris, le 9 août 2021
Luniformisation de l'heure sur l'ensemble du territoire national est imposée par la loi du 14 mars 1891 qui fixe l'heure légale en France métropolitaine
Économie La remise en cause des 35 heures va agiter la campagne des législatives. Mais combien de temps travaille-t-on réellement en France et chez nos voisins ? Contrairement aux idées reçues, les Français travaillent bien davantage que leurs voisins. La durée d'emploi en France était de 1 482 heures par an en 2015. Contre 1 371 en Allemagne, 1 419 en Hollande ou 1 457 au Danemark. Photo d'illustration centre commercial de la Toison d'or à Dijon. © AFP/JEFF PACHOUD Le temps de travail est un terme trompeur. En effet, s'il est souvent mobilisé au cours de conflits ou de controverses, il désigne en réalité la durée reconnue de l'emploi », plutôt que le temps de travail ». En effet, ses estimations statistiques excluent le travail domestique, qui regroupe pourtant un nombre d'heures supérieur au travail salarié en France. Les femmes à temps partiel, sujettes à une division inégale des tâches domestiques ou à une situation monoparentale, passent toujours plus de temps en travail domestique qu'en travail salarié. En outre, le temps de travail réduit la notion de temps » à la seule durée, laissant de côté d'autres dimensions temporelles horaires, rythme, prévisibilité…. De plus, il est aveugle au contenu effectif des tâches. Par exemple, dans les années 2000, certaines industries ont augmenté le nombre de secondes effectives de travail accompli par minute. Une réduction du temps d'emploi peut donc s'accompagner d'une intensification de l'activité, c'est-à-dire d'une hausse du temps de travail. Le nombre d'heures non déclarées ou non comptées comme pour les cadres supérieurs salariés payés à la journée et non à l'heure achève de brouiller les pistes lorsque l'on tente d'identifier les durées d'emploi réelles. Une baisse généralisée de la durée d'emploi La durée d'emploi ne doit pas non plus faire oublier la qualité d'emploi. À ce titre, on assiste depuis une décennie à la montée des horaires atypiques », c'est-à-dire qui ne correspondent pas à la norme d'emploi à plein temps et en semaine. Le travail le dimanche et le temps partiel, par exemple, sont en croissance sur le continent européen. Quoi qu'il en soit, une fois ces précautions d'usage prises, la durée d'emploi a baissé dans tous les pays industrialisés depuis le début du siècle, sans exception. Depuis 1950, pour des pays comme les États-Unis, le Japon, l'Allemagne ou la France, la diminution avoisine 25 %. Cette baisse tendancielle s'explique par des évolutions de la durée d'emploi au niveau journalier ou hebdomadaire un temps de travail légal ou conventionnel, selon les pays, mais aussi annuel les congés payés et tout au long de la vie selon l'âge d'entrée et de sortie du marché du travail. Néanmoins, il y a une corrélation solide entre les durées quotidiennes, hebdomadaires et annuelles passées en emploi les trois évoluent le plus souvent de concert. Il est toutefois notable que la variation des durées d'emploi n'est que rarement corrélée à l'évolution de la productivité. Il ne s'agit pas d'un processus mécanique, qui serait tiré par des évolutions technologiques, mais bien plutôt de conflits sociaux qui trouvent leur résolution par l'application conventionnelle des revendications salariées ou par des législations favorables. Deux groupes de pays Globalement, depuis le milieu des années 1990, deux groupes de pays peuvent être distingués en Europe. Dans le premier, qui regroupe notamment le Royaume-Uni, la Grèce et le Portugal, la durée d'emploi s'est légèrement accrue dans les années 1990-2000 avant de retomber. Dans le second, qui regroupe les pays du cœur de l'Europe et de Scandinavie, la durée d'emploi n'a cessé de diminuer. La manière dont cette réduction s'est opérée varie. En France, elle a eu lieu via la législation sur les 35 heures hebdomadaires, qui a créé plusieurs centaines de milliers d'emplois – malgré des possibilités importantes d'accommodements à l'époque – et est progressivement détricotée depuis. En Allemagne, c'est plutôt un effet de composition qui est à l'œuvre, c'est-à-dire l'adoption d'emplois à temps partiel par les nouveaux entrants sur le marché du travail ou les chômeurs en reprise d'emploi. Cette dynamique divergente est entretenue par des écarts importants entre pays européens à deux niveaux. D'abord, l'ampleur du secteur à temps partiel oppose des pays comme les Pays-Bas 39 % de salariat à temps partiel, dont 75 % des salariées et les pays baltes moins de 10 % de salariat à temps partiel. Derrière la durée d'emploi moyenne se cachent des réalités très différentes entre salariés et salariées. Temps plein et temps partiel Le temps partiel lui-même peut inclure des réalités très différentes, puisque les personnes salariées à temps partiel en Allemagne travaillent 19 heures par semaine en moyenne, contre 24 heures pour leurs homologues en Suède. Ensuite, des écarts aussi importants séparent le travail à temps plein dans des pays comme la Grèce 44,5 heures en moyenne et le Danemark sous les 40 heures. Ainsi, le ratio entre travailleurs à temps partiel et travailleurs à temps plein doit être pensé en articulation avec la norme nationale du temps partiel et du temps plein. Cela conduit à des temporalités distinctes selon les pays par rapport à la moyenne des pays européens, la France a ainsi des salariés à temps plein aux horaires faibles et des salariés à temps partiel aux horaires élevés, tandis que l'Allemagne est dans une situation rigoureusement inverse. Afin d'évaluer les durées d'emploi de chaque pays, le raisonnement le plus approprié semble être à l'échelle de l'année. Cela permet de tenir compte des durées légales et conventionnelles quotidiennes et hebdomadaires, mais aussi d'inclure les congés payés et les jours fériés, qui varient aussi fortement en Europe. En effet, si le Royaume-Uni célèbre 8 jours fériés, la Finlande en dispose de 15 chaque année. De même, les jours ouvrables de congés payés annuels oscillent entre 20 et 28 hors ancienneté sur le continent. Les Français travaillent beaucoup en emploi et ont une très bonne productivité Un discours récurrent accuse les Français de travailler moins en emploi que leurs homologues européens. Généralement, cette admonestation a un fond moral, il s'agit de présenter comme une tare le fait de moins travailler qu'ailleurs. Cette vision fait l'impasse sur le constat évident que les pays les plus développés sont ceux dans lesquels la durée d'emploi est la plus réduite. Mais, en plus, ce discours est fragile les seules données montrant une durée d'emploi plus faible des Français par rapport à leurs homologues européens se cantonnant aux salariés à plein temps. En comparant tous les salariés de l'OCDE, les Français travaillent plus en emploi 1 482 heures par an en 2015 que leurs collègues allemands 1 371 heures, hollandais 1 419 heures, norvégiens 1 424 heures ou danois 1 457 heures. Et, au niveau des travailleurs indépendants, la France est un des pays qui les conduit à travailler le plus durement. De même, contrairement à des préjugés ravivés depuis la crise des pays périphériques, les Grecs sont les plus gros travailleurs d'Europe avec 2 042 heures annuelles effectuées en emploi. Les écarts les plus importants d'Europe, entre l'Allemagne et la Grèce, s'élèvent à 671 heures d'emploi. Cela représente plus de 80 journées de huit heures. En revanche, une spécificité française souvent passée sous silence est la productivité des salariés, qui produisent une quantité de richesse élevée par heure de travail 5e d'Europe. Comme le résumait The Economist, les Français pourraient arrêter le vendredi et toujours produire plus que ne le font les Britanniques en une semaine ». Cette boutade montre que la durée d'emploi pose aussi, en creux, la question de la production et de la distribution des revenus. Ainsi, les durées d'emploi varient entre pays européens. Chaque norme nationale est le fruit de luttes salariales, de choix politiques et de compromis sociaux. Cependant, ces marchés de l'emploi sont parfois manipulés dans le champ politique afin d'asséner des comparaisons simplistes, qui tentent de présenter la durée d'emploi de certains pays comme un modèle, et les salariés des autres comme des retardataires. Face à ces usages outranciers, on ne peut que plaider pour des comparaisons raisonnables prenant en compte toutes les informations disponibles sur chaque durée nationale d'emploi, ses formes et son contenu productif. Et ne pas oublier ce qu'enseigne l'histoire sociale la durée normale d'emploi ne relève pas du déterminisme technologique, mais du choix politique. *Hadrien Clouet est doctorant en économie au Centre de sociologie des organisations, Sciences Po-USPC. Je m'abonne Tous les contenus du Point en illimité Vous lisez actuellement Temps de travail en Europe les vrais chiffres 13 Commentaires Commenter Vous ne pouvez plus réagir aux articles suite à la soumission de contributions ne répondant pas à la charte de modération du Point. Vous ne pouvez plus réagir aux articles suite à la soumission de contributions ne répondant pas à la charte de modération du Point.
Grèce: face à la crise, la solidarité . Publié le 15/07/2015 20:43 Mis à jour le 15/07/2015 20:44. Durée de la vidéo : 2 min. France 2. Article rédigé par . franceinfo. France mardi 12 septembre 2017 Depuis 2010 sont appliquées en Grèce des mesures ressemblant étrangement, sur de nombreux points, aux "lois Travail XXL" qui doivent être prochainement adoptées par ordonnances en France. Sept ans après les premières dispositions, le bilan est inquiétant. employée de la raffinerie d’Elefsina - photo Le 25 mai 2017, tout le monde a entendu parler de l’attentat perpétré, en Grèce, contre Loukás Papadímos, l’ex-banquier reconverti en premier ministre qui, en novembre 2011, avait constitué un gouvernement mêlant les sociaux-démocrates du Pasok, le parti de droite Nouvelle démocratie et un parti d’extrême-droite appelé LAOS. Une autre explosion est passée sous silence elle s’est produite dans l’entreprise Top Gas, à Elefsina à quelques kilomètres d’Athènes, et a grièvement blessé trois salariés. Elle est symbolique des conditions dans lesquelles vivent, au travail, des milliers de Grecs. Ironie de l’Histoire, c’est ce banquier qui a signé l’acte de décès du droit du travail grec. "Réformes" au nom de la "compétitivité" Les cadres du droit du travail ont été détruits progressivement mais tout était déjà en germe dans le texte de 2010 », explique Ellie Varchalama, conseillère juridique à la GSEE, la confédération syndicale du secteur privé. La Grèce risque alors le défaut de paiement. Le gouvernement en place, dirigé par Giorgos Papandreou, signe avec l’Union européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international un accord de prêt, en échange de profondes réformes à appliquer dans le pays. Elles comportent des baisses des salaires et des retraites, des hausses fiscales, des coupes dans les dépenses publiques et sociales, des privatisations ou, encore, des réformes du marché du travail. Avec un prétexte améliorer la compétitivité et la productivité hellènes. Mais l’économie plonge dans une récession incessante, à court de liquidités. Deux autres prêts et leur corollaire, deux mémorandums, viendront donc s’ajouter. Ironie du sort, c’est celui paraphé en 2012 par Loukas Papadimos qui va le plus loin dans les "réformes". Il est plus institutionnel que le précédent ; il sape les négociations collectives », analyse Savas Robolis, professeur à l’Université Panteion d’Athènes. Et pour cause, au programme suppression des conventions collectives et primauté́ aux accords d’entreprise qui peuvent même être conclus avec des "associations de personnes" au détriment de la représentation syndicale, abolition des Prud’hommes, fin du financement des syndicats ou encore baisse du salaire minimum, qui passe de 751 euros pour tous à 586 euros bruts, et même 510 euros pour les moins de vingt-cinq ans. En juillet, Alexis Tsipras, le leader du parti de la gauche, Syriza, est contraint de signer à un troisième mémorandum. Le système de retraite par répartition devient par capitalisation, la pension minimale est fixée à 386 euros bruts seuil de pauvreté. Même le droit de grève est menacé. Précarité et insécurité du travail LIRE LA SUITE Vacancesen Grèce pas cher : Rhodes. Si l’on devait choisir entre Corfou et Rhodes, cette dernière serait l’excellente alternative pour des vacances en Grèce pas cher. Des vols low cost vers cette île au départ de Paris ou d’autres grande villes de France (Lyon, Nantes, Bale Mulhouse, Marseille ou Toulouse) sont d’ailleurs Préambule le Parti communiste de Grèce de 1918 à 1956 1Le Parti socialiste ouvrier grec, créé en novembre 1918, fut transformé, en novembre 1924, en Parti communiste de Grèce KKE. De 1931 à 1956, à la suite de l’intervention de l’Internationale communiste Komintern, le Parti grec participa à des luttes cruciales pour le pays il devint l’organisateur principal de la Résistance grecque en fondant, en 1941, l’EAM Front national de libération et, en 1942, l’ELAS Armée populaire de libération nationale. Après l’armistice et les accords de Varkiza janvier‑février 1945, les communistes grecs s’opposèrent aux forces gouvernementales dans la guerre civile 1946‑1949. En 1949, après la défaite de l’Armée démocratique l’AD fut l’armée des partisans grecs dans cette guerre, le Parti et ses militants durent s’exiler en URSS et dans les démocraties populaires. De 1956 à 1968, à la suite des ingérences multiformes de l’Union soviétique dans la vie intérieure du KKE, les communistes grecs firent face à plusieurs crises internes jusqu’à ce qu’en 1968, le Parti communiste de Grèce se scinde en deux partis dits assez vite, parti de l’intérieur » et parti de l’extérieur » ; les disputes et les différends dans la direction du Parti grec éclatèrent dans la Roumanie de Ceauşescu, siège du CC Comité central du KKE jusqu’en 1968, en déstabilisant complètement les anciens camarades dans une conjoncture historique marquée par la crise de la dictature en Grèce avril 1967 – juillet 1974. 2Dès l’arrivée de Nikos Zachariadis au poste de secrétaire général du KKE en 1931, des efforts furent entrepris pour inculquer des règles soviétiques dans la politique du Parti, efforts qui se poursuivirent jusque dans les années 1950. La tendance à l’universalisation de ces principes relevait d’un engagement idéologique. Dans les années 1950, la bolchevisation du KKE ne se limitait pas simplement à l’approbation de la suprématie du Parti communiste de l’Union soviétique PCUS. Ce n’était pas seulement le léninisme ou les principes bolcheviks qui devaient mobiliser la conscience des communistes grecs. L’universalisme bolchevik prôné par le KKE exaltait les liens indissolubles entre le peuple de la Grèce et le grand peuple russe » et encore la profonde gratitude exprimée par le peuple grec envers le grand peuple russe ». Le KKE reconnaissait l’URSS comme le phare » qui amènerait, plus ou moins vite, l’humanité au socialisme, puis au communisme. 3À partir de 1956, la politique soviétique fut directement liée à l’arrivée de Nikita Khrouchtchev au pouvoir. Citons François Fejtö 1 François Fejtö avec la collaboration d’Ewa Kulesza‑Mietkowski, 1992, la fin des démocraties popu ... Les différences culturelles entre les PC des démocraties populaires éclatèrent au grand jour pendant la période de déstalinisation, à la suite de la tentative de Khrouchtchev de réformer les méthodes d’action et les relations entre les Partis frères ». En reconnaissant, dans sa déclaration de Belgrade de mai 1955 et celle de Moscou du 31 octobre 1956, la pluralité des voies vers le socialisme », le numéro un soviétique ouvrait la porte à deux manifestations opposées des tendances autonomistes refoulées […]1. 4En 1956, les formes que prit la dézachariadisation », autrement dit le limogeage de Zachariadis par la direction soviétique, ouvrirent la voie à une bataille fratricide dans les rangs des communistes grecs. Cela dans la mesure où elles visaient à annihiler tant la combativité que l’intégrité morale et politique de l’ancien secrétaire général. Zachariadis était constamment appelé par ses camarades le petit Staline », celui qui aurait conduit les communistes grecs à la victoire. Cette politique soviétique touchait donc au symbolique, à ce qui constituait, et, croyons‑nous, constitue encore, le tréfonds de la résistance psychique et, en dernier ressort, politique. Et ceci, parce que la fin ignominieuse d’un symbole signifie bien plus qu’une défaite la décapitation de l’icône » Zachariadis fut perçue par lui et, bien évidemment par ses disciples, comme l’amorce d’un long processus d’asservissement, d’assujettissement et de soumission de soi. C’était comme une excommunication totale tissée par l’ordre soviétique » et destinée à faire disparaître non seulement leurs luttes, mais surtout leur dignité communiste », leur code axiologique et moral. Ce fut le début d’une lutte acharnée entre le PCUS et la vieille garde » du KKE. 2 Sur ce sujet, voir Nicolas Werth, 2001, Histoire de l’Union soviétique de l’Empire russe à l’Uni ... 5Les troubles du PCUS eurent une résonance directe dans le Bureau politique du KKE, qui dépendait plus que jamais des Soviétiques. Citons un exemple caractéristique comme on le sait, en juin 1957, le Présidium du Soviet suprême, à l’initiative de Georgui Malenkov, Viatcheslav Molotov, Mikhaïl Pervoukhine, Andreï Sabourov, Lazare Kaganovitch, Kliment Vorochilov et Nikolaï Boulganine, réclama la démission de Nikita Khrouchtchev. Mais le Comité central, réuni grâce au soutien inconditionnel du maréchal Guergui Joukov, se transforma en arbitre du conflit qui divisait le BP Bureau politique. Ainsi le CC remporta‑t‑il une victoire significative sur l’ancienne garde stalinienne en ratifiant en même temps les acquis du XXe Congrès2. Face à ces événements, le BP du KKE adopta la résolution suivante Résolution du Bureau politique du CC du KKE, Le groupe antiparti » de Kaganovitch, Malenkov et Molotov attaché à des conceptions périmées et erronées, tout en se livrant à une activité fractionnelle antiparti, est digne de la sanction la plus sévère. Et cela, parce qu’il a violé le plus haut principe léniniste de l’unité du Parti et a contrecarré les projets de son développement […]. 6 juillet 1957 3 Archives d’histoire sociale contemporaine ASKI, KKE, K. 384, Φ=20/34/50. Document en grec [c’est ... Le BP du CC du KKE3. 4 Nicolas Werth, 2001, Histoire de l’Union soviétique, op. cit., p. 441. 6Cette résolution n’était en réalité qu’une copie mot à mot de la décision du CC du PCUS qui, après avoir annulé le vote du Présidium, dénonça et condamna les activités fractionnelles du groupe antiparti4 ». Cette façon de réagir devint progressivement la norme de conduite principale du BP. En effet, pendant la période 1956‑1962, la seule stratégie approuvée par le KKE fut celle qui avait reçu le consentement explicite du Kremlin. Les cadres supérieurs du KKE, dont l’autorité s’étendait théoriquement à tous les domaines relatifs à la Grèce, voyaient leur fonction découpée en plusieurs parties et leur influence réduite par une série de décisions des instances de Moscou. Leur rôle principal consistait plutôt en une fonction administrative qu’en un travail politique réel. Il en résultait parfois un rassemblement hétéroclite des forces du KKE sans aucune homogénéité politique entre elles l’essentiel restait que l’action des communistes grecs fût toujours compatible avec les orientations principales de la politique extérieure du Kremlin. Ceux qui n’obéissaient pas à cette règle étaient exclus du Parti. Les cadres qui se disputaient le pouvoir au sein de la direction du KKE y étaient perpétuellement encouragés par les divers groupes antagoniques du PCUS. Ainsi, tout comme dans certaines démocraties populaires, les clivages historiques du PCUS se répercutaient directement dans les rangs du KKE. C’est ici que nous pouvons détecter le fond du problème la crise de la direction du KKE apparut de manière manifeste au lendemain de l’éclatement des conflits, plus ou moins dissimulés, au sein du PCUS. Dès lors, le KKE était divisé en plusieurs factions antagoniques qui se référaient sans cesse à la suprématie naturelle » de l’URSS. La critique de Ceaușescu des émeutes de Tachkent 1955 à la scission du KKE 1968 7Après la défaite de l’AD au cours de la guerre civile grecque, les communistes furent divisés en deux groupes principaux la population civile fut répartie entre les démocraties populaires, les divisions militaires de l’AD furent transférées en URSS, à Tachkent. Les émeutes qui eurent lieu à Tachkent en 1956 eurent des conséquences dramatiques à la suite d’une série d’actes de vengeance entre les ex‑partisans de l’AD, plusieurs condamnations, des peines de réclusion furent prononcées. Certains membres de la Collectivité de Tachkent goûtèrent donc à la prison. 5 Sur ce sujet, voir Nikos Papadatos, 2014, l’histoire de la scission du Parti communiste de Grèce ... 8Le rejet du projet de programme du KKE par les Soviétiques en 1954 marqua le commencement d’un long processus qui se termina par l’éviction de Nikos Zachariadis en février 1956. Le clivage politique et les étapes de la transition entre l’ancienne forme du communisme et son avatar réformiste ont marqué l’histoire du PCUS puis, après les émeutes des communistes grecs à Tachkent5, celle du KKE. Cette politique soviétique se refléta dans la politique du KKE et déstabilisa ses appareils organisationnels à Tachkent. Panos Dimitriou, un des protagonistes principaux de ces événements parle ouvertement de l’ingérence du PCUS à Tachkent 6 Journal Eleftherotypia, 3 avril 1980. Les disciples antistaliniens de l’équipe de Khrouchtchev voyaient d’un bon œil ces points de vue [la lutte contre Zachariadis et son passé] et favorisaient notre lutte. C’est‑à‑dire nous étions dans le même camp et ils nous ont entourés de leur bienveillance […]6. 9Ce témoignage fut confirmé par une autre source quelques années plus tard, Nicolae Ceauşescu, à l’occasion d’une entrevue qui s’est déroulée le 3 avril 1968, entre le Comité central du Parti communiste roumain PCR et les représentants du CC du KKE, en particulier avec Kostas Koliyannis et Leonidas Striggos, membres du CC du KKE, confirma complètement l’hypothèse de l’ingérence de l’URSS et des partis frères » dans les affaires intérieures du KKE 7 Arhivele Naţionale Istorice Centrale Fonds al PCR – Secţia relaţii ext., dos. 47/1 ... […]. Je vous ai dit tout à l’heure […], dit Ceauşescu, qu’un jour il faudra dire pourquoi on s’est ingéré dans les affaires intérieures de votre Parti en 1956, parce que je suis sûr que lorsque le Parti communiste arrivera au pouvoir en Grèce, il nous blâmera pour cela, et il arrivera à la conclusion qu’on a mal réagi, comme, à l’heure actuelle, on le dit, nous‑mêmes dans le passé, notre Parti a mal réagi [face à cette question] […]7. 10Comment expliquer ce revirement de la politique roumaine face à une question, plus ou moins internationale, orchestrée par le grand frère soviétique » ? Dans les années 1960, la politique roumaine face à l’URSS bouleversa les calculs politiques des Occidentaux. Nicolae Ceauşescu fut perçu en Occident comme un leader soucieux d’indépendance et prêt à rompre ses relations politiques avec l’URSS. Le rapprochement spectaculaire de la Roumanie avec la Chine inquiétait les Soviétiques. Au début de l’année 1967, le conflit sino‑soviétique franchit un nouveau palier dans la tension après le déclenchement de la révolution culturelle » en Chine, les Soviétiques ne pouvaient plus investir politiquement dans une Conférence éventuelle qui aurait pu contribuer à l’unité du camp socialiste. En janvier 1967, le Drapeau rouge, organe officiel du Parti communiste chinois, accusa les révisionnistes modernes » de Moscou d’avoir donné leur appui à la clique antiparti » en s’ingérant dans les affaires intérieures de la République populaire de Chine. Le 9 janvier 1967, dans ses Thèses sur le cinquantième anniversaire de la prise du pouvoir », le CC du PCUS évalua les événements en Chine en qualifiant la révolution culturelle » de tentative visant à substituer au marxisme‑léninisme authentique une phraséologie et des dogmes pseudo‑révolutionnaires ». Au mois de février, plusieurs manifestations eurent lieu à Pékin et à Moscou. Les manifestants se réunirent devant l’ambassade de l’URSS à Pékin et devant l’ambassade de Chine populaire à Moscou. Le danger d’un conflit interne au monde communiste, entre les deux géants du camp socialiste, était une possibilité qui menaçait la stabilité du système communiste ». Face à ce conflit, la position adoptée par Bucarest fut considérée par Moscou comme une initiative contraire aux intérêts soviétiques. Voyons les faits de plus près en février 1967, Ceauşescu donna à la délégation du KKE des informations importantes sur l’étendue du conflit sino‑soviétique 8 Fonds al PCR – Secţia relaţii ext., dos. 9/1967, ff. 31, 32. […]. Les jours où il y a eu des manifestations devant l’ambassade soviétique à Pékin et l’ambassade chinoise à Moscou, nous étions inquiets […] face à la possibilité d’une rupture des relations diplomatiques entre la Chine et l’Union soviétique. Nous avons décidé d’envoyer aux camarades chinois et aux camarades soviétiques un message faisant preuve de notre inquiétude tout en exprimant notre position [demander aux deux Partis] de ne pas procéder à des actions qui aboutiraient à une situation [de non‑retour]. Nous avons soulevé la question de la prise de mesures assurant la mise en place des procédures régulières de la diplomatie officielle. Je vous prie de garder ces informations [pour vous‑mêmes], car il s’agit d’une question strictement interne qui ne sera en aucun cas divulguée. Mais je vous ai donné ces informations afin de vous tenir au courant du résultat de cette initiative. Notre ambassadeur a été reçu par les camarades chinois, par le ministre des Affaires étrangères Chén Yì. Nous avons envoyé un message à Zhou Enlai et à Mao Zedong ainsi qu’à l’Union soviétique, aux camarades Brejnev et Kossyguine. Chén Yì a naturellement dit qu’il faut blâmer les camarades soviétiques et que le message sera transféré à Mao Zedong et à Zhou Enlai […]. Notre ambassadeur a été aussi reçu par les camarades soviétiques, par Andropov il a dit qu’il transférera notre message aux camarades Brejnev et Kossyguine et que la responsabilité repose sur le côté chinois. Il a dit à la délégation roumaine son avis personnel en insistant sur ceci le fait que le message fut envoyé tant aux Chinois qu’aux Soviétiques, sans condamner les Chinois, met en évidence que, pour les Roumains, les Soviétiques sont sur le même pied d’égalité que les Chinois. Selon lui, la responsabilité repose sur le côté chinois […] et, vu sous cet angle, le message n’a pas été bien accueilli par le PCUS. Certes, notre ambassadeur a contesté cette appréciation. Cela s’est produit le 8 février au cours des manifestations […]8 11Ceauşescu s’efforça de mettre en cause la rhétorique officielle défendue par Moscou. Cette dénonciation » du style » historique de la direction du PCUS mit en évidence la politique de Bucarest qui revendiquait de facto son autonomie relative à l’égard de Moscou. Elle prit la forme d’une stricte neutralité vis‑à‑vis des problèmes internes du camp socialiste. De manière significative, cette critique pouvait, sous certaines conditions, bouleverser de fond en comble le principe de dépendance absolue du KKE à l’égard du PCUS. L’argumentation suivante de Ceauşescu ne laissait pas indifférents certains membres du BP du KKE tels que Dimitrios Partsalidis dit souvent Mitsos, et cité comme M. Partsalidis et Panos Dimitriou également membres du secrétariat du Comité central du Parti grec, qui avaient déjà commencé à avoir des doutes en ce qui concerne la politique internationale soviétique Voyons les dires intéressants du leader roumain 9 Ibid., f. 36. […]. Que montrent d’après Marx la pratique du mouvement communiste international et celle du mouvement ouvrier ? Les problèmes sont affichés publiquement et des points de vue sont échangés. Ainsi, une ligne spécifique et un concept idéologique étaient créés, sans conduire à la fusillade de ceux qui exprimaient d’autres points de vue, même si leurs critiques étaient des critiques acerbes. Il est vrai que Marx n’était pas le président d’un gouvernement, je dis cela comme une plaisanterie, mais je suis convaincu que même s’il avait été président du gouvernement, il n’aurait pas agi de la même façon. À titre d’exemple à l’époque de Lénine, pendant la période où le PCUS luttait en vue de prendre le pouvoir, les débats étaient longs jusqu’à l’adoption définitive des thèses par le PCUS. Ainsi a‑t‑il abouti à la cristallisation d’une conception [politique] correcte. C’est pourquoi nous pensons qu’un débat est requis, mais dans le contexte d’une analyse spécifique des problèmes. Nous ne pouvons accepter ni réfuter une opinion en fonction de notre propre opinion, considérant celui qui n’est pas d’accord avec nous comme quelqu’un qui s’oppose à nous. Parce que cela nous amène précisément à ce que faisait l’Église, aussi bien orthodoxe que catholique au lieu d’analyser scientifiquement [les faits] nous arrivons à la confirmation d’un dogme auquel tous doivent croire, et celui qui n’y croit pas est considéré comme hérétique. Est‑ce possible de dire que le vrai marxisme‑léninisme est constitué par ce que […] [dit un seul Parti] ? Je n’ai vu ça ni chez Marx, ni chez Engels, ni chez Lénine […]9. 12La politique de non‑ingérence de la Roumanie dans les affaires intérieures des autres partis frères » était due, selon l’argumentation officielle du PCR, à une réévaluation de l’histoire soviétique. La question de la sincérité certes discutable de ces thèses eut un écho considérable dans la direction du KKE. Elle laissait entendre par là que les courants socialistes centrifuges qui ne mettaient pas en péril la politique extérieure de la Roumanie pouvaient être désormais tolérés par Bucarest. Pour les communistes grecs, les dires du leader roumain revêtirent un sens évident 10 Ibid., ff. 33, 34. […]. Vous connaissez, dit Ceauşescu, l’histoire du PCUS, les luttes [internes] qui datent de l’époque de Lénine et la façon dont elles ont été résolues vous vous rappelez les problèmes avec Trotski et Boukharine. Lénine a résolu ces problèmes dans un esprit qui visait à maintenir le contexte du renforcement et de l’unité [du Parti]. En 1917, vous vous rappelez que Zinoviev et Kamenev furent accusés publiquement parce qu’ils avaient trahi la révolution, mais ils sont restés au pouvoir. Ainsi, Lénine a résolu pratiquement et publiquement ce problème. Par la suite, tout n’a pas été résolu ainsi vous vous rappelez les procès qui ont eu lieu [en URSS] et les révélations du PCUS en 1956 à ce sujet ? [Les Chinois] comment devaient‑ils réagir ? Commencer à condamner l’Union soviétique ou procéder à ce que nous avons fait à l’époque, défendre l’Union soviétique ? En 1937, 1938 et 1939, quand ces procès eurent lieu, nous avons défendu l’Union soviétique, au moment où les choses ne se sont pas résolues de manière démocratique [mais] de manière contraire aux règles du Parti. Pourquoi dis‑je tout ça ? Parce que nous sommes inquiets face aux faits qui se déroulent en Chine. Nous devrions comprendre que la solution n’est pas de commencer à blâmer la Chine en aggravant les choses. Et si nous pouvons aider à trouver une solution, cela signifie ne pas s’ingérer […] dans les affaires intérieures des autres Partis […]10. 13Ces thèses roumaines envenimèrent davantage les luttes internes des communistes grecs qui voyaient apparaître les premières fissures » tangibles dans le camp du socialisme réel ». Plus concrètement, l’année 1967 marqua un tournant très important dans les relations des membres du KKE en dehors du fait que les dirigeants du Parti se disputaient le pouvoir de manière de plus en plus ouverte, la dictature militaire avril 1967 – juillet 1974 força plusieurs militants à s’installer dans les pays de l’Europe occidentale. La dégradation progressive de l’image de l’URSS dans le monde, à la suite du conflit sino‑soviétique, entraîna un flot de contestations contre toute tentative d’extériorisation de la stratégie soviétique dans les Partis communistes occidentaux. L’événement qui servit de catalyseur à ce tournant fut le théorème de l’eurocommunisme. Cette réalité faisait suite à une réorientation complète de la politique de certains Partis communistes occidentaux, à l’instar du PCI, succédant à la politique du monolithisme » qui avait plongé ces Partis dans un état de dépendance idéologique presque complet. La dictature militaire en Grèce aboutit à l’expatriation des militants de la Gauche qui, d’une manière ou d’une autre, allèrent dans les pays occidentaux, en France, en Angleterre, et surtout en Allemagne de l’Ouest, afin d’éviter l’emprisonnement et de lutter pour leurs idées. L’installation des réfugiés politiques grecs dans ces pays facilita leur rapprochement avec les divers courants de l’eurocommunisme. Mais quelle est la relation entre la scission du KKE en 1968 et l’eurocommunisme ? Quel était le rôle de Bucarest et son attitude face à la crise du KKE ? 14Le contexte historique était polarisé par le conflit sino‑soviétique et la nouvelle orientation de la politique extérieure soviétique qui abandonnait le principe de la coexistence pacifique dans les lieux géostratégiques périphériques du globe où la compétition entre les deux superpuissances États‑Unis/URSS devenait plus vive que jamais. Dans ce contexte, la scission du KKE en 1968 faisait allusion aux vieux axiomes soviétiques défendus par Khrouchtchev pluralisme des voies amenant au socialisme, coexistence pacifique, etc.. À cela, il faut ajouter le maintien de bonnes relations » entre l’Union soviétique et la Grèce des colonels qui, selon le Kremlin, ne signifiait aucune réconciliation idéologique avec le régime ». 11 Pour de plus amples informations sur ces questions, voir Nikos Papadatos, 2016, les communistes gr ... 15Kostas Koliyannis devint Premier secrétaire du KKE après l’éviction de Zachariadis. Dimitrios Partsalidis, l’un des anciens membres du Parti accusé de fractionnisme » à partir de 1956, fut à nouveau membre du Bureau politique et du Secrétariat du KKE et l’un des interlocuteurs privilégiés du PCUS après la destitution de Zachariadis et l’arrivée de Khrouchtchev au pouvoir en Union soviétique. Ces deux personnages se disputaient le pouvoir au sein du Parti. Les racines de leur conflit étaient dues à l’histoire récente du KKE. Après la fin de la guerre civile, en 1951, un nouveau parti, la Gauche démocratique unifiée EDA, avait vu le jour en Grèce. Entre‑temps, le gouvernement d’Athènes avait décrété l’abolition juridique, c’est‑à‑dire l’interdiction, du Parti communiste dès 1947. En apparence, de 1964 à 1968, la querelle entre Koliyannis et Partsalidis concernait les formes de réorganisation des forces communistes en Grèce, Koliyannis voulait que les communistes luttent en faveur de la légalisation de facto du KKE tandis que Partsalidis favorisait plutôt l’alliance avec l’EDA, à laquelle participaient aussi des forces plus centristes » à tendance socialiste. Néanmoins, au fond, ce duel reflétait les différentes stratégies soviétiques par rapport à la Grèce et la dépendance absolue des communistes grecs à l’égard du Kremlin11. 16Les opinions de Partsalidis et de Dimitriou – approuvées par Zisis Zografos, membre de la direction du KKE –, en matière d’organisation du KKE, avaient été explicitement dénoncées par la direction soviétique au cours du 12e Plénum qui se tint à Budapest du 5 au 15 février 1968. La lettre des Soviétiques stipulait Chers camarades, Nous avons soigneusement étudié les lettres du camarade Partsalidis envoyées le 10 novembre 1967 et le 18 janvier 1968, au CC du PCUS. Considérant que les problèmes soulevés par le camarade Partsalidis sont une affaire intérieure qui concerne exclusivement votre Parti, le CC du PCUS ne voit pas l’intérêt d’analyser sa position particulière en matière de questions d’organisation, face auxquelles le Comité central du KKE s’est déjà exprimé en adoptant une décision collective. Pour la même raison, nous ne pensons pas qu’il soit approprié d’accueillir au CC du PCUS le camarade Partsalidis en vue de procéder à une discussion qui porterait sur ces affaires. Comme vous le savez bien, lors des successives réunions d’amitié entre les représentants de nos Partis, qui ont toujours eu lieu dans une atmosphère de compréhension mutuelle et sincère [...], le CC du PCUS s’est fermement exprimé en faveur de la politique et de la tactique adoptées par le CC du KKE [...]. 12 KKE, 2008, Η 12η Ολομέλεια η ΚΕ ου ΚΚΕ, 5‑15 Φλεβάρη 1968, πρακικά [Le 12e Plénum du KKE, du 5 ... Guidés par les relations de sincérité et de confiance établies entre nos deux Partis, nous avons échangé, à la demande des camarades grecs, des points de vue et des avis sur des questions qui furent abordées par le 8e et le 10e Plénum du CC du KKE. D’après nous, la vie a confirmé la justesse de la ligne politique adoptée par le CC, lors du 8e et du 10e Plénum du KKE. Cela semble particulièrement clair maintenant, à la lumière des récents événements tragiques en Grèce, provoqués par la mise en place d’une dictature militaro‑fasciste dans le pays [...]12. 17Face à cette intervention, la troïka », Partsalidis, Dimitriou et Zografos, prit l’initiative de défendre le passé récent du Parti de 1956 à 1968 en proclamant, dans une lettre radiodiffusée, son attachement aux principes du XXe Congrès du PCUS et en accusant le putsch » du 12e Plénum de restaliniser » le Parti en souplesse. Voici le contenu de cette lettre 13 Tasos Vournas, 1983, Η διάπαη ου ΚΚΕ [La scission du KKE], Αθήνα ολίδη, p. 81. […]. Ainsi, 12 ans après le 6e Plénum du Comité central de 1956, le camarade Koliyannis et son groupe, représentant le conservatisme et la stagnation dogmatique, tentent‑ils d’achever le parcours d’éloignement de l’esprit du 6e Plénum et le retour au régime politique anormal du passé qui a engendré tant de maux au KKE et au mouvement populaire de notre pays13. 18Persécutés par le KKE, qui avait déjà acquis l’aide multiforme de Moscou, les dissidents » n’avaient plus qu’une solution le recours à l’aide du Parti roumain. Les autorités roumaines leur octroyèrent une aide camouflée » qui, à ce stade de la bataille interne, fut inappréciable. Le dialogue suivant est significatif à cet égard […]. Le camarade Zografos — Si Koliyannis n’avait pas une aide de l’extérieur, il n’existerait pas aujourd’hui. C’est la vérité […]. Le camarade Nicolae Ceauşescu — Que voulez‑vous que fasse la Roumanie ? Et je sais une chose vous ne devriez pas adopter une ligne [politique] reconnaissant l’existence d’un nouveau Comité central. Ce n’est pas bon. Le camarade Zografos — Nous l’avons clairement indiqué dans notre lettre. Nous voudrions avoir la capacité d’aller dans d’autres pays. Le camarade Nicolae Ceauşescu — Que pouvons‑nous faire ? Le camarade Zografos — Des passeports. Cela aurait une signification. Le camarade Nicolae Ceauşescu 14 Fonds al PCR – Secţia relaţii ext., dos. 48/1968, f. 7. Conversation sténographiée e ... — Je vous ai dit que des passeports vous seront délivrés14. 19La création d’un nouveau Parti était‑elle directement due à l’aide roumaine ? Il ne semble pas. L’idée d’un nouveau Parti indépendant avait été énoncée depuis longtemps par certains membres de la Collectivité de Tachkent. Comment pouvons‑nous expliquer ces événements ? Ainsi que l’avait écrit dans son journal, en mars 1968, l’un des plus ardents partisans de ce mouvement contestataire, Mpeikos Georgoulas, le correspondant du journal d’Avgi à Moscou 15 Journal inédit de Mpeikos Georgoulas, 31 mars 1968, manuscrit. […]. Les trois camarades [M. Partsalidis, Z. Zografos et P. Dimitriou] portent une grande responsabilité de la période qui a succédé au 6e Plénum de 1956, et qui a conduit mathématiquement à une recrudescence de la situation. Ils ont toléré, ils n’ont pas vu, ils ont contribué [à ce qui s’est passé]. Ils ont réagi lorsque ce groupe [K. Koliyannis et le BP du KKE] a foulé aux pieds leur bonne foi, quand ils leur ont mis le couteau sous la gorge. Telle est l’amère vérité pour tous les trois. Quand le couteau du manque de démocratie, des abus et de la violation de nos principes coupait la gorge des autres, cela ne faisait, bien entendu, aucun mal. Ils restaient calmes. Certes, cela ne doit pas nous conduire au nihilisme. Il faut en tirer la leçon nécessaire. [Il faut] dire au Parti les personnes qui dirigent le Parti doivent comprendre qu’ils ne peuvent pas avoir seulement des droits, mais qu’ils assument, par nous tous, de lourdes responsabilités. On doit, avant tout, élever le sens de la responsabilité des gens qui dirigent le Parti. On souffre de son absence. Parallèlement, tous les membres du KKE, nous devrons faire sentir nos responsabilités arrêter de jouer le rôle d’imbéciles » […] et parler avec franchise et courage. Chaque membre du Parti, en levant la main pour approuver ou repousser une décision, une action, etc., doit penser à sa responsabilité vis‑à‑vis du peuple grec. Si tel n’est pas le cas, il vaut mieux que ce membre renvoie sa carte du Parti, sinon on peut penser qu’il la garde pour en tirer profit […]15. 20Ce témoignage inédit est suffisamment parlant la dépendance était diachroniquement le facteur de cohésion de la direction du KKE. En réalité, 1968 n’a pas été le moment d’une véritable révolution culturelle », ou d’une insurrection héroïque contre le soviétisme », mais le moment où le couteau » du limogeage politique a été mis sous la gorge » des trois protagonistes principaux qui revendiquèrent, à la dernière minute, leur propre émancipation, ou leur propre sauvetage politique. Les communistes grecs, leur scission et les Roumains 21En 1968, les communistes grecs ne considéraient plus l’URSS comme le pilier central de la révolution mondiale. En effet, le désarroi de 1956 avait laissé son poison sécessionniste et les membres de la diaspora du KKE étaient restés relativement impassibles face aux émeutes tragiques de Tachkent. Leur survie personnelle et la protection de leur famille étaient leur préoccupation première. La crise fut manifestement l’effet d’une crise plus générale celle de l’aliénation du socialisme réel ». En d’autres termes, la crise du mouvement communiste mondial fut aussi reflétée par la scission du KKE. Tout débat idéologique ultérieur lié, d’une part, à la dispute des marxistes‑léninistes » contre les opportunistes », thèse défendue par le KKE, et de l’autre, à la lutte des forces rénovatrices » contre les dogmatiques » prosoviétiques, axiome soutenu par le Parti communiste de l’intérieur », ne fut qu’une réminiscence idéologique produite par deux théories constructivistes dérivées plutôt du mythe post‑sécessionniste du KKE, où chacun des porteurs principaux semblait éprouver le besoin de se justifier, que de la réalité objective. 22L’eurocommunisme, censé être à l’origine de la scission, a influencé la base – et non la direction qui prit l’initiative de la scission – du Parti communiste de l’intérieur tardivement, a posteriori. En dehors du fait que Partsalidis, Dimitriou et Zografos n’étaient que des hommes politiques de terrain sans aucun lien organique avec la théorie », deux sources mettent en lumière les traces des liens du PC de l’intérieur avec l’eurocommunisme. La première est ici une lettre que, le 21 août 1968, Partsalidis envoya au Comité central du PCR Au Comité central du Parti communiste roumain Chers camarades, 16 ASKI, Archives du KKE, K. 382, 20/32/127, f. 1. À propos de la situation extrêmement critique créée après l’entrée des forces armées de cinq pays socialistes dans la République socialiste de Tchécoslovaquie, nous avons besoin de vous contacter pour vous exposer la position que nous adoptons à l’égard de ces événements tragiques et de demander votre opinion sur certaines questions qui nous préoccupent directement […]16. 23Comme on le sait, en 1968, Nicolae Ceauşescu avait tenu tête aux Soviétiques en s’opposant à l’invasion de Tchécoslovaquie et, chose encore plus grave, en refusant d’intervenir à Prague. Cette politique audacieuse avait certainement réussi à réunir autour de sa stratégie hérétique » un large consensus qui dépassait l’horizon de ses ambitions nationales. Dans ces circonstances historiques, les communistes grecs proroumains, nommés de l’intérieur », suivirent son projet après avoir manifesté leur désaccord avec Moscou. En effet, le 5 septembre 1968, le Bureau de l’intérieur » s’aligna sur les thèses roumaines et dénonça l’invasion soviétique. C’est le moment où les liens politiques entre les dissidents » et les Soviétiques se coupèrent définitivement. De surcroît, l’aide octroyée par Bucarest aux communistes de l’intérieur » était significative, comme en témoigne la lettre suivante de Nikos Kentros, membre du CC du PC de l’intérieur Note Au Département des relations internationales du Parti communiste roumain Camarade Ghizela, Chers camarades, Grâce à votre aide inappréciable, nous avons acheté jusqu’à présent par le biais de Virement » [transfert, avec subside de la Roumanie] une série d’anciens objets populaires par des magasins correspondants. Ces objets nous ont donné la possibilité d’ouvrir un magasin spécial en Belgique. En exploitant ces objets, nous avons eu l’occasion d’obtenir une source de revenus pour les besoins du Bureau de l’intérieur en Grèce. Cette fois‑ci, nous vous prions de nous aider à acheter certains vieux meubles par le biais de Virement » et à les envoyer par votre organisation du commerce extérieur Libri ». Le besoin d’achat de ces meubles est aussi expliqué par le fait que les vieux articles d’art ne sont pas vendus par consignation du fait qu’ils ne sont pas contrôlés par le Musée. 2. X. 1971 Salutations fraternelles Pour le CC du PC de l’intérieur 17 ASKI, Archives du KKE, K. 382, 20/32/183, f. 1 [souligné par nous]. N. Kentros17. 24Il s’ensuit que les Roumains veillèrent à la survie économique de leurs protégés grecs par les voies les plus invraisemblables. Parallèlement, Ceauşescu visait à réformer l’économie de son pays en jouant l’honnête courtier » entre l’Est et l’Ouest. Moscou n’était pas forcément contre cette tendance centrifuge. Dans la mesure où les Soviétiques refusaient de concéder à la Roumanie un statut important, à part entière, au sein du pacte de Varsovie, l’Union soviétique n’avait rien à craindre du côté roumain. Comme l’a souligné François Fejtö 18 François Fejtö, 1992, la fin des démocraties populaires, op. cit., p. 93‑94 [souligné par nous]. Dans les années 70, la relative insubordination de la Roumanie favorisait autant l’image du camp socialiste et de l’URSS que la libéralisation » pratiquée parallèlement par les autorités polonaises ou hongroises. Les liens entretenus par le régime de Ceauşescu avec bon nombre de pays d’obédience marxiste‑léniniste et d’organisation de libération nationale dans le tiers‑monde facilitaient le développement de leurs contacts avec l’URSS là où une responsabilité directe de Moscou aurait pu être mise en cause. Last but not least, le développement des échanges commerciaux avec les pays occidentaux a permis le transit par la Roumanie d’équipements et de technologies autrement inaccessibles à l’Union soviétique18. 25La création du KKE de l’intérieur n’était pas l’acte qui conduirait à un mouvement de contestation populaire avec comme objectif la chute du régime d’Athènes ; la survie du KKE dans les démocraties populaires et l’URSS, sous la mainmise contraignante des Soviétiques, ne renvoyait pas non plus à une lutte de fait contre la junte militaire des colonels. Au contraire, le PCR contrôlait la lutte antidictatoriale des communistes de l’intérieur, et, par ce biais, les Soviétiques avaient toujours un droit de regard sur les activités antidictatoriales tant du KKE que du KKE de l’intérieur ; il s’agit d’un contrôle par procuration ». 26En second lieu, l’eurocommunisme » du KKE de l’intérieur découla plutôt des circonstances politiques des années 1970 que de la volonté des communistes de l’intérieur de se débarrasser des rouilles du dogme » soviétique ; ce fut une perspective à atteindre plus qu’un projet théorique résolu. Comme l’a écrit Zisis Zografos, le 26 janvier 1971, au Comité central du PC de l’intérieur 19 ASKI, Archives du KKE, K. 382, 20/32/169. Le 22 janvier 1971, j’ai rencontré à l’aéroport de Rome le camarade Segre, le jeune responsable du département des relations internationales du CC du Parti communiste italien il attendait une délégation étrangère d’un parti frère. On se connaissait bien avant la scission […]. Il a également posé des questions sur la situation actuelle dans le KKE. Il m’a dit qu’ils voulaient avoir un contact plus effectif avec nous. Pour répondre spécifiquement à la question de la meilleure préparation d’une manifestation plus générale au printemps concernant la mobilisation de forces plus larges, en vue de lutter contre le régime actuel en Grèce. Il m’a proposé de lui rendre visite à son bureau quand je vais revenir à Rome19. 27Dans ces conditions, le PC de l’intérieur, entièrement prisonnier entre les objectifs mondiaux soviétiques et les intérêts périphériques roumains, cherchait désespérément à trouver des appuis politiques. L’appropriation, après coup, de l’eurocommunisme de la part des communistes grecs de l’intérieur » fut le résultat de la contingence historico‑politique des années 1970, et non le point de départ d’une lutte libératrice contre la soumission soviétique ». Conclusion 28La transmission de la tradition historique, exprimée en l’occurrence par la narration historiographique des deux Partis grecs, établie après la scission du KKE, entrava la transmission de la connaissance historique. Les uns disaient que les rénovateurs s’opposèrent aux dogmatiques » tandis que les autres insistaient sur la cause juste du marxisme‑léninisme » qui, de bon droit, luttait contre l’opportunisme ». Nous pouvons dire que les deux interprétations sont, du point de vue historique, fausses. Cela ne signifie pas que, du point de vue idéologique, ces deux explications » ne puissent avoir des effets concrets tant que les collectivités existent, les idéologies se répercutent dans le temps et dans l’espace, mais, et sans vouloir insinuer que l’histoire soit une science entièrement exempte de toute référence à une conception du monde, ces deux perceptions, historiquement parlant, sont fondamentalement erronées. 29En 1949, les communistes grecs ont dû faire face à une défaite stratégique dont les séquelles allaient décomposer leur unité ainsi que leurs perspectives révolutionnaires, au moins à brève échéance. Ensuite, le XXe Congrès du PCUS 1956 a imposé au sein du KKE la dézachariadisation » du Parti. La première conséquence en fut la désintégration de la base du Parti qui, en dépit des théories confuses liées à la nature démocratique des Partis de type nouveau », avait été largement influencée par les luttes et les symboles du passé. L’éradication soviétisée de ces symboles, les décrets prosoviétiques, transformant les icônes révolutionnaires du passé en figures contre‑révolutionnaires » et antisoviétiques », créèrent les conditions qui permirent l’émergence d’une série de luttes et d’escarmouches politico‑idéologiques, et scindèrent en plusieurs factions antagoniques les collectivités des réfugiés politiques comme les militants qui se trouvaient dans les prisons de Grèce. 30D’un autre côté, cette période posa les jalons d’un humanisme diffus. En 1968, sous la pression du changement progressif de la politique extérieure de l’URSS et des problèmes du camp socialiste, ce courant humaniste se scinda en deux le courant apologétique s’aligna sur la politique du PCUS ; le courant centrifuge chercha à se cramponner à la politique de Bucarest pour subsister politiquement et économiquement. Dans les deux cas, leur dépendance était absolue. L’axe moscovite et l’axe roumain n’étaient que la preuve de la défaite définitive des communistes grecs dans cette conjoncture historique précise, polarisée par la guerre froide. En d’autres termes, les problèmes du camp socialiste et ceux de l’URSS eurent leur écho au sein du KKE. Aussi, la scission du KKE contenait‑elle en germes les graves potentialités de la dissolution de l’URSS, qui s’avéra incapable – sauf lorsqu’elle parvint à contrebalancer les effets d’une crise par le recours à la force armée, comme ce fut le cas de l’invasion d’août 1968 à Prague –, d’exercer politiquement un pouvoir de dissuasion susceptible d’empêcher la scission du KKE. Lasituation n’est pas meilleure dans la région d’Evros, le long de la frontière terrestre gréco-turque, où les autorités ont bloqué l’entrée de près de 10 000 migrants en seulement 24 heures. Un collaborateur de CNN Grèce, Kostas Pliakos, affirme qu’il a été frappé par des habitants et que son téléphone a été volé. La
Société La région francilienne était la dernière à ne pas être concernée par une surveillance en raison du manque d’eau. La France fait face à une sécheresse quasi inédite. Tous les départements métropolitains font désormais l’objet d’une surveillance quant à l’évolution de la situation de sécheresse. © Alexandre Chassignon / France Bleu Maine / Radio France/Maxppp La préfecture d'Île-de-France place en vigilance sécheresse » Paris, les Hauts-de-Seine, la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne, tous les départements de métropole étant désormais concernés par le phénomène climatique et les appels à l'économie d'eau, a-t-elle annoncé dans un communiqué mardi 2 août. Le niveau vigilance » est le premier des quatre niveaux de sécheresse. Il prévoit des mesures comme celui d'éviter de nettoyer sa voiture ou de rationner l'arrosage, mais pas de restriction, explique le communiqué de la préfecture. Le débit de la Seine est passé le 25 juillet sous le seuil de 81 m3/s à la station de Paris-Austerlitz, déclenchant ce passage en vigilance sécheresse, précise la préfecture, qui ajoute que l'arrêté interdépartemental sera pris très rapidement ». Cette sécheresse s'aggrave alors que l'Hexagone vit sa troisième canicule en à peine deux mois, rendant encore plus perceptibles les conséquences du réchauffement sécheresse amplifiée par une troisième canicule Un épisode de canicule se confirme pour le milieu de semaine, centré sur mercredi et jeudi avec des températures maximales entre 34 à 38 °C et localement 40 °C », a indiqué lundi soir Météo-France. En conséquence, quatre départements du Sud-Est Ardèche, Drôme, Gard et Vaucluse et les Pyrénées-Orientales restent en vigilance orange. Cinquante autres départements, au sud d'une ligne allant de la Charente-Maritime jusqu'à l'Alsace, sont en vigilance jaune. Mercredi, un pic de chaleur est attendu avec des températures maximales atteignant le plus souvent 34 à 38 °C, et localement 39 à 40 °C sur le midi toulousain », précise Météo-France, avant que l'axe chaud ne se décale jeudi vers le LIRE AUSSIQuand la fournaise devient ordinaire…Cette nouvelle canicule s'annonce plus brève et moins intense, précise Météo-France, que celle de mi-juillet, lors de laquelle des records absolus avaient été battus dans 64 communes, flirtant voire dépassant les 40 °C dans plusieurs localités. Mais ce retour si rapide de fortes chaleurs vient frapper une majeure partie du pays déjà affectée par une sécheresse exceptionnelle et aux conséquences immédiates, notamment sur l'agriculture, le transport fluvial ou les loisirs 9,7 mm de précipitations agrégées ont été enregistrés en France métropolitaine le mois dernier, un déficit d'environ 84 % par rapport aux normales, presque aussi peu que les 7,8 mm de mars 1961, le record des minima depuis les premiers relevés nationaux en août 1958. Ce fort déficit de précipitation, qui fait suite à un printemps très sec et conjugué avec des fortes chaleurs, contribue à aggraver l'assèchement des sols », met en garde départements en état de crise »Si désormais l'ensemble de la France est sous vigilance sécheresse » avec des restrictions d'eau à différents niveaux, 46 préfectures ont désigné des territoires en état de crise, synonyme d'arrêt des prélèvements non prioritaires y compris des prélèvements à des fins agricoles ». Seuls les prélèvements permettant d'assurer l'exercice des usages prioritaires sont autorisés [santé, sécurité civile, eau potable, salubrité] », explique le site d'information sécheresse du gouvernement, les 38 départements en niveau d' alerte renforcée », les pompages pour l'agriculture sont réduits d'au moins 50 % et il existe des limitations sur l'arrosage des jardins, golfs et lavage de voiture. Certains prélèvements sont interdits. Dans les 9 départements en alerte », outre des limitations de prélèvement pour l'agriculture, certains prélèvement pour des activités nautiques sont interdits et l'arrosage des espaces verts est autorisé à certaines heures occidentale a fait face en juillet à une sécheresse historique et à deux vagues de chaleur en à peine un mois, au cours desquelles se sont déclenchés des feux de forêt ravageurs comme en Gironde, en Espagne ou en LIRE AUSSIEn Corse, le spectre d'une pénurie d'eau Je m'abonne Tous les contenus du Point en illimité Vous lisez actuellement Sécheresse Paris sous vigilance », toute la France sous surveillance 17 Commentaires Commenter Vous ne pouvez plus réagir aux articles suite à la soumission de contributions ne répondant pas à la charte de modération du Point. Vous ne pouvez plus réagir aux articles suite à la soumission de contributions ne répondant pas à la charte de modération du Point.
Lheure d’hiver (Eastern European Time (EET), UTC +2) commence le 30 oct. 2022 Grèce a 7 heures d’avance sur New York. L'identifiant IANA de fuseau horaire pour Grèce est Europe/Athens. En savoir plus sur Grèce sur Wikipedia Définir Grèce comme lieu par défaut Ajouter à vos lieux préférés Décalage horaire depuis Grèce
Surtout, se prémunir de tout syndrome Mattéi ». Du nom de l'ancien ministre de la Santé, Jean-François Mattéi qui avait cristallisé en 2003 les critiques sur un gouvernement trop lent à prendre la mesure de la catastrophe, celle d'une canicule qui devait faire plus de morts . Pour la deuxième fois en moins d'un mois, la Première ministre s'est rendue ce jeudi en Gironde sur le front du plus violent des huit incendies massifs qui frappent actuellement la Borne y était déjà mi-juillet, avant que le chef de l'Etat s'y rende lui-même quelques jours plus tard. Le département du sud-ouest, qui a vu brûler près de hectares le mois dernier, a vu repartir l'un des deux mégafeux. Près de hectares ont brûlé depuis mardi, touchant aussi les Landes. La reprise des incendies en Gironde est un choc », a assuré la Première ministre, qui a promis une action sur tous les fronts pour lutter encore mieux à l'avenir contre les incendies ».L'Europe au secours de la France Plus de pompiers et personnels de la sécurité civile sont mobilisés contre les flammes », a fait savoir Emmanuel Macron via Twitter. Des pompiers fatigués par des semaines de lutte intense, prévenait la veille le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, qui a demandé aux entreprises et aux administrations de libérer au maximum les pompiers volontaires .Le président français, qui suit l'évolution des feux depuis le fort de Brégançon, a aussi salué l'aide apportée à la France par plusieurs pays européens. Des Canadair grecs étaient attendus, des avions suédois et des renforts aériens sont mobilisés par la Commission européenne, ainsi que des moyens terrestres d'Allemagne, de Pologne, d'Autriche et de a ainsi annoncé qu'elle allait envoyer 146 sapeurs-pompiers, qui devraient arriver vendredi avec 49 véhicules selon l'Elysée. L'Allemagne doit de son côté envoyer 64 pompiers et 24 véhicules prévus dès ce jeudi la Grèce, la Pologne, et dans les prochaines heures la Roumanie et l'Autriche nos partenaires viennent en aide à la France face aux incendies. Merci à eux. La solidarité européenne est à l'oeuvre !— Emmanuel Macron EmmanuelMacron August 11, 2022 Comme en juillet, l'Italie reste solidaire avec la France. Plusieurs Canadair arrivent pour soutenir les pompiers français et européens mobilisés sur notre territoire », a également indiqué le chef de l'Etat. La solidarité européenne joue pleinement son rôle dans cette crise », a confirmé Elisabeth Borne, qui a assuré que jamais on n'avait mobilisé autant de moyens aériens ».Au-delà de l'urgence, la Première ministre, venue accompagnée du ministre de l'Intérieur et de la secrétaire d'Etat à l'Ecologie, Bérangère Couillard , a redit que le gouvernement allait travailler sur le renforcement des moyens de la sécurité civile, notamment dans la loi de programmation que le ministre de l'Intérieur présentera à la rentrée avec une planification sur le quinquennat des renforts qu'on va donner à notre sécurité civile, naturellement en lien avec les collectivités locales », a-t-elle expliqué. Cette feuille de route budgétaire, dévoilée en pleine campagne présidentielle, prévoyait déjà 15 milliards d'euros de crédits supplémentaires pour les cinq années à la forêtAlors que plus de hectares sont déjà partis en fumée cette année, l'une des pires depuis le début du siècle, marquée par une sécheresse historique et des canicules qui se sont enchaînées ces dernières semaines, celle qui fut un temps ministre de la Transition écologique sous le précédent quinquennat a clairement fait le lien avec le réchauffement climatique. Selon elle, il faut se préparer à des événements dont on sait très bien qu'ils sont aussi liés au dérèglement climatique ». Tout le gouvernement est mobilisé », a-t-elle insisté. Il travaille donc aussi au chantier national de replantation annoncé en juillet par Emmanuel Macron . Nous devons réfléchir à la façon dont nous devons replanter la forêt, aux espèces, à la façon de gérer la forêt demain », a suggéré Elisabeth Borne, en indiquant que le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, était mobilisé sur cette question ».Obligations de débroussaillementSans évoquer de pistes privilégiées, elle a souligné que, dans un premier temps, l'Etat allait se montrer plus vigilant » sur la mise en oeuvre des obligations de débroussaillement . Une mesure de prévention trop peu appliquée, pointaient les sénateurs dans un rapport publié la semaine la cheffe du gouvernement a rappelé qu'un nouveau plan national d'adaptation au changement climatique sera mis en concertation à la rentrée. Il faut qu'on continue plus que jamais à lutter contre le dérèglement climatique ».
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