Rédacteur en chef Enchanté ! Créez votre 1ère fiche de personnage Oh Capitaine, mon Capitaine Le MJ et Capitaine du navire ! Trrremblez ! Scribe officiel Publiez 50 messages Messages 89Date d'inscription 28/03/2022"Les murs ont des oreillesLes portes ont des yeuxLes arbres ont des voixLes bêtes disent des mensongesPrends garde à la pluieEt prends garde à la neigePrends garde à l'homme Que tu crois connaître"Poème SapphiqueDe bonnes odeurs de nourriture flottaient dans l’air de cette fin de journée et, sur une grande table de bois où avaient été disposés des ingrédients ainsi qu’un petit bouquet de fleurs rouges, Aesril découpait des fruits qu’ils avaient récoltés et les mélangeait dans une grande coupelle, parlant avec beaucoup d’entrain. Étendue sur le ventre, sur le lit, Elia l’écoutait raconter, ponctuant son récit de rires enthousiastes.— Et alors… Arrête de rire ! - il étouffa lui-même un rire - Alors, on a dû m’emmener voir l’archimage pour que je lui explique, parce que… Ça faisait trois semaines que j’avais lancé le sort et… il ne s’était toujours pas interrompu… Il essayait d’expliquer ce qu’il lui arrivait, mais il ne disait que l’inverse de ce qu’il pensait…Il mima une voix de vieillard obséquieux tandis qu’Elia s’esclaffait un peu plus fort.— “Archimage, ce charmant enfant ne m’a rien fait du tout, je n’ai aucun tort à lui reprocher !”. Moi, ça m’amusait beaucoup et j’ai même cru déceler un début de sourire sur la commissure des lèvres de l’Archimage, mais mon père n’était pas du tout amusé, pour sa part, surtout quand il a compris que je n’avais vraiment aucune idée de comment inverser le sort… Heureusement, l’Archimage a trouvé un remède, mais le pauvre homme a dû faire un exercice douloureux avec sa langue… Autant te dire qu’il n’a pas parlé durant encore quelques jours…— Quel vilain garnement ! ponctua Elia d’un rire. T'es-tu fait punir ?— Et comment… Tu n’imagines pas ce que…Un tintement cristallin inhabituel vint attirer leur attention et ils se figèrent un instant en se dévisageant.— Toi aussi, tu entends ça ? demanda le mage.— Oui… Mais d’où est-ce que ça… Attends, regarde derrière-toi, ta boîte en verre, elle brille !Il se retourna vivement pour constater ce qu’Elia lui montrait. Effectivement, sur la boîte scellée des artefacts, ce qu’il avait pris pour une gemme uniquement esthétique s’était mise à briller d’un éclat rougeoyant, émettant un son de plus en plus aigu.— Comment est-ce qu’on arrête ça ?! s’alarma la sorcière en écrasant ses paumes contre ses oreilles. — Je ne sais pas… s’inquiéta Aesril, posant ses mains au-dessus de la n’osait pas la toucher la boîte était chargée de puissants sortilèges qui avaient été désactivés par Larnatillë, mais si l’un d’eux était toujours actif, cela était potentiellement dangereux. Il ferma les yeux pour se concentrer sur l’énergie que le petit cristal rougeoyant dégageait. La magie semblait fonctionner comme un sonar. Quelque chose faisait écho au rayonnement qu’il émettait. Il écarquilla les yeux, le cœur battant et prononça un rapide sortilège, inaudible pour la sorcière.— Bordel de… Un détecteur… murmura-t-il.— Qu’est-ce que tu dis ?— Rien. Ça va s’arrêter tout seul, répondit Aesril en haussant la voix pour couvrir le peine eut-il prononcé ces mots que le cristal cessa de scintiller et que le son strident s’arrêta aussitôt à son tour. Tournant le dos à Elia, Aesril crispa ses paupières et sa mâchoire.— Qu’est-ce que c’était que ça ?! demanda Elia, alarmée.— J’ai simplement oublié de désactiver un de mes outils, l’autre soir, il n’a pas supporté les variations de chaleur, mentit Aesril sans se retourner vers la jeune se redressa et vint se placer dans son dos, entrelaçant ses bras autour de son torse.— Il est possible que j’aie quelque peu perturbé vos dernières expériences, bel elfe… J’espère que ça n’a pas créé de dommages pinça les lèvres. Elle ne pouvait pas savoir à quel point ses paroles étaient à propos. Lui faire croire que tout allait bien n’allait pas se révéler chose aisée. Il avait besoin de temps pour réfléchir. Du temps seul. Il se retourna et esquissa un sourire qu’il voulut enjôleur.— Rien d’irrattrapable, ne t’en fais pas… Je dois juste aller chercher un peu d’eau de mer pour purifier mes instruments. Je reviens dans un instant. Et lorsque je serai de retour, tu as deux possibilités soit tu revêts une tenue décente et tu te prépares à manger ce dîner avec moi, soit tu restes ainsi et tu en affrontes les conséquences.— Tu es vraiment insatiable ! plaisanta-t-elle. Très bien… Ta proposition mérite mûre réflexion.— Réfléchis bien, dans ce cas, souffla-t-il, tandis qu’il échappait au baiser de la sorcière d’un habile et souple jeu de jambes pour s’extirper en dehors de la cabane, muni de la boîte contenant les artefacts. Il partit sur la plage, les mains rendues moites par la nervosité. Cela faisait deux semaines qu’il entretenait cette illusion d’idylle avec Elia, cherchant à trouver de nouveaux moyens de récupérer la Source sans y parvenir, mais ce qu’il venait de se produire était autrement plus alarmant. Larnatillë ne l’avait jamais prévenu que cette boîte était munie d’un système de détection. Pourquoi ne se déclenchait-il que maintenant ? Qui pouvait bien l’avoir déclenché ? À priori, seule elle ou un membre du conseil en avait la possibilité. Il était possible qu’on se fut inquiété de l’absence des artefacts, qu’une enquête ait été menée, que Larnatillë ait utilisé le déclencheur pour le retrouver… “Elle m’a trahi… ” se dit-il, hors de lui. Pourquoi maintenant ? Que s’était-il passé ? Combien de temps les autorités allaient-elles mettre pour le retrouver ? Il y avait trop d’inconnues à cette équation et aucun moyen de savoir ce qu’il se passait vraiment sur l’Archipel. “J’aurais bien eu besoin d’un associé capable de me tenir au courant de ce genre de chose… ” songea-t-il, tentant d’imaginer qui serait suffisamment capable pour avoir un tel rôle. Il était clair qu’il manquait de soutien. Mais, pour le moment, il avait des problèmes plus graves à résoudre. Son esprit tournait à plein régime. Il allait devoir définir un plan. Maintenant, de préférence.— Allez Aesril réfléchit, vite, vite, vite…Il tournait en rond sur la plage, s’éloignant derrière une dune à l’écart pour ne pas être vu d’Elia, tenant les artefacts fermement entre ses mains. Cet événement annonçait la fin de son séjour ici, c’était irrévocable. Combien de temps il lui restait, pour l’instant, c’était impossible à définir. Une journée, deux, une semaine, un mois… Cela pouvait être n’importe quand. Cependant, il pouvait encore brouiller le signal émit pour gagner du temps. Il allait devoir rendre les artefacts, cela, c’était évident. Il avait copié les plans détaillés de ceux-ci et connaissait les enchantements qui y étaient apposés. Il avait bon espoir qu’avec les bons matériaux, il pourrait les reproduire de façon suffisamment précise pour être utilisable, voire pour en détourner leur usage. Et concernant la Source… D’un certain côté, elle était peut-être plus à l’abri dans le corps d’Elia. Là, au moins, nul ne saurait où la retrouver et il lui serait plus aisé de la récupérer lorsqu’il aurait trouvé un moyen de le faire que dans l’enceinte hautement sécurisée du Collège. Il doutait de jamais y remettre les pieds quoi qu’il en soit. Et il n’en avait cure. Il avait de plus grands desseins désormais et il était de toute façon convaincu que les Sapiarques ne pourraient rien de plus pour lui. Il n’avait surtout plus envie de retourner sous le joug de Larnatillë. Et pour Elia… L’idée lui vint plus facilement qu’il ne l’aurait voulu. À vrai dire, il l’avait déjà envisagé, mais avait repoussé cette pensée, préférant reléguer cela pour plus tard. Il ferma les yeux pour écouter la mer. Cela l’avait toujours relaxé… Jusqu’à aujourd’hui. Cela la briserait, c’était certain. Il s’assit sur le sable, prenant sa tête entre ses mains. Cette femme ne méritait pas cela. Elle l’aimait. Il l’aurait certainement aimé s’il se l’était autorisé.— Quel fichu cauchemar… souffla-t-il doucement, la gorge n’y avait rien de plus à faire quoi qu’il en soit. Il se remit sur ses jambes, revint vers la cabane et déposa les artefacts sur le sol, à l’entrée, avant de repousser le rideau qui masquait l’intérieur. La jeune sorcière l’y attendait, assise nue à la table, elle croquait dans un des fruits qu’Aesril avait préparé plus tôt. Il dut déployer d’immenses efforts pour ravaler sa mélancolie et lui sourit tendrement.— Je vois que tu n’as pas su choisir…— Tu sais bien que c’est impossible. Je pourrais vouloir le monde tout entier.— Si je le pouvais, je te l’offrirais, souffla Aesril en embrassant la nuque de la jeune femme qui se laissa faire en soupirant, avant de la mener vers le lit où ils s’étendirent l’un contre l’autre, la sorcière étant loin de se douter que cette étreinte serait leur dernière.—— Après cela… Dans la nuit, j’ai profité de ton sommeil pour tenter de calculer le temps que cela mettrait pour ceux qui me cherchaient de venir jusqu’à Stros M’Kai et de trouver ma position exacte. J’ai… J’ai longuement hésité à te dire ce que je comptais faire. Mais cela impliquait de tout t’expliquer, de te parler de la Source et de ce que je t’avais fait à ton insu. Et c’était prendre le risque de ne jamais parvenir à mes fins. Que tu me trahisses et que je ne puisse plus rien pour te sauver. Je savais que seule ma position au sein de la société Altmer pourrait avoir assez de poids dans la balance pour te rendre ta liberté lorsqu’ils nous auraient retrouvés. Alors, j’ai joué ce jeu et je croyais l’avoir gagné. C’était sans compter sur mon père qui avait mené sa petite enquête sur moi en mon absence. Et qui avait fini par découvrir la vie que je menais depuis près de trente ans chez les Sapiarques, ma relation avec Larnatillë, mes expériences sur les mourants et les morts… Il avait fini par trouver tout ce qu’il avait toujours espéré pour enfin me rejeter et faire de moi un Hulkynd… me privant ainsi de tout avenir et de mes pouvoirs. Les traits plissés d’abattement, il fixait les rainures de la table, le cœur lourd, la voix basse. Parler de ceci semblait douloureux pour lui.— Il comptait te condamner à mort. Alors, j'ai fait la seule chose qu’il me restait à faire… Et je l’ai tué, détruisant toutes les preuves avec lui. Lui seul connaissait la vérité, sur tout Larnatillë, la nécromancie, le vol des artefacts, toi… Avec sa mort, une nouvelle vie s’offrait à moi. Lavé de tous soupçons. Dès que cela fut possible, je t’ai fait libérer, faute de preuves de ta culpabilité, je suis revenu sur mon témoignage, expliquant que tu t’étais trouvée là au mauvais endroit, au mauvais moment et j’ai convaincu Larnatillë de te faire entrer chez les Sapiarques pour deux raisons te garder près de moi pour mieux retrouver la Source et t’offrir la possibilité d’étudier la magie comme tu l’avais rêvé. Je savais que tu ne deviendrais jamais une Sapiarque, mais cela te donnait accès à un savoir bien supérieur à tout ce que tu pouvais espérer dans n’importe quelle école de magie de Haute-Roche. Après quoi… J’ai utilisé mes nombreuses recherches pour mettre au point une invention qui a révolutionné les connaissances arcaniques en matière de guérison, mais je n’ai jamais abandonné ma quête pour utiliser la Source, car j’étais convaincu qu’elle était la clef de l’immortalité et vers ma liberté. Et, finalement, à force de recherches… J’ai trouvé un moyen de la libérer. De te libérer. Alors, je suis venu te trouver. Elia… Je suis désolé…Aesril s’arrêta de raconter pour redresser des yeux embués vers Elia qui hocha la tête de droite à gauche, la mâchoire serrée tant elle se retenait de lui crier dessus. Elle retint ses paroles insultantes, mais ne put s’empêcher de laisser échapper une gifle cinglante.— Non… Non, tu n’as pas le droit de me regarder comme ça, amorça-t-elle, la voix tremblante de colère. Ce n’est pas moi qui t’ai fait tout ce mal. Tu te l’es fait seul, sans l’aide de personne, aveuglé par ta soif de savoir et de pouvoir que tu l’étais. Tu… Elle ferma les paupières de toutes ses forces, les larmes coulant librement et abondamment le long de ses joues.— Aesril, bon sang, je t’aimais ! Te rends-tu seulement compte du mal que tu m’as fait ? Tu… Tu m’as laissée en mille morceaux et j’ai dû me reconstruire tant bien que mal, seule ! Tout ce temps, tu savais où j’étais et pas une seule fois, tu n’es venu me voir ou tu ne m’as seulement écrit ! Tu m’as laissé croire que je n’étais rien de plus qu’un objet dont tu t’étais allègrement servi, tu ne peux pas savoir à quel point je me suis sentie idiote, petite et… souillée !— Elia… souffla-t-il, le visage déformé par la peine. Je t’en prie, ne dis pas ça… J’ai l’impression d’être un monstre à tes yeux.— Mais c’est ce que tu es ! Aesril, quel genre de personne saine d’esprit ferait une chose pareille ?! M’as-tu seulement jamais aimé, toi ? — Je te l’ai dit, Elia… Je ne me suis pas autorisé à penser à cette question, car alors, j’aurais dû abandonner tout ce pour quoi je m’étais battu toute ma vie. Une larme perla sur la joue de l’Elfe.— Je t’aurais aimé, si j’avais été un homme de soutenir son regard plus longtemps, Elia baissa les yeux sur la table pour souffler, lentement.— Tu es un hocha lentement la tête, capitulant aux propos de la sorcière, sans chercher à rétorquer quoi que ce soit. — Es-tu seulement capable d’aimer qui que ce soit, hormis tes propres projets ?— Bien sûr que oui…Elle le coupa sans plus attendre.— Non, parce que tu sais, le plus difficile dans tout ça ? C’est l’admiration que je t’ai vouée malgré tout ça. J’ai toujours pensé que tu étais une personne éminemment intelligente, douée dans… tellement de domaines ! Tu n’es pas seulement un mage, tu peins, tu écris, tu… Tu as l’air d’avoir un cœur et une âme et tout ce temps, je me suis raccrochée à cette idée que l’homme que j’ai connu ne pouvait pas vraiment m’avoir fait ça. Qu’il devait y avoir une autre explication… Et aujourd’hui… Tu m’annonces que tu ne m’as pas trahie au moment de me livrer à la Justice, mais… bien avant ?— Oui, avant ! C’était avant de te connaître. Le mal était fait, il était trop tard pour faire marche arrière, je savais qu’il n’y avait qu’une seule chose à faire et c’était te mettre en sécurité de ce que j’étais et de mes projets. Et cela impliquait de te tenir à distance. Je n’avais rien d’autre à t’offrir que cela, Elia. Je sais que tu ne souhaites pas l’entendre et moi aussi, j’aurais aimé être cette personne que tu as idéalisée, mais je ne le suis pas. Tu as eu le malheur de croiser ma vie à un moment où elle était déjà bien empêtrée dans des nœuds qui te dépassaient. Il m’aurait fallu une éternité pour te faire comprendre tous les enjeux de ma présence à Stros M’ le dévisagea avec amertume, durement.— Tu sais, il est possible que tu sois bel et bien aussi intelligent que tu ne laisses le croire. Peut-être es-tu même le mage le plus talentueux que je connaisse. Tu parles bien. Tu as toujours su faire cela. Chaque fois que tu ouvres la bouche, tes mots coulent de ta voix si calme comme des paroles de sagesse. Et le pire dans tout cela, c’est que tu as une parole de sagesse. Je t’ai vu tout ce temps, apporter du bien aux gens que je côtoyais. Ivy, Phèbe, Kiara… même Mazar avait l’air d’avoir tiré du bon de votre relation. Toutes ces personnes, sans que je sache comment, tu les as fait évoluer, tu les as soutenues à ta façon, comme tu l’as fait avec moi. Voilà pourquoi il m’est aussi douloureux de penser que malgré tout ce dont tu es capable, malgré le bonheur que nous aurions pu vivre si tu n’avais pas été un stratège trop ambitieux, persuadé que le monde est un jeu d’échec géant dont il peut bouger les pions, tel le dieu mégalomane que tu penses être, tu as choisi cette voie. Rien ne pourrait m’emplir de plus de tristesse, bien au-delà du fait que tu aies brisé mes rêves de jeune fille naïve, conclut-elle vertement, essoufflée par sa se pencha par-dessus la table, plongeant son regard dans le sien, conscient qu’il risquait une autre gifle.— Tu n’étais pas une jeune fille naïve. Tu étais quelqu’un avec des rêves. De beaux rêves. Des rêves qui méritent d’être accomplis. À un moment, dans ma vie, j’ai souhaité la même chose que toi. Mais tu es arrivé à un instant de ma vie où j’avais fait une croix dessus. Elia… J’ai choisi ce chemin il y a longtemps, bien avant de te rencontrer, bien avant ta naissance, parce que je ne voyais pas d’autre option. C’était cela ou me laisser mourir. J’ai choisi cela, parce que je ne me voyais pas aller à l’encontre de ma propre nature. Et malheureusement, tu étais mon premier dégât collatéral. Aujourd’hui, je reviens vers toi pour te proposer de réparer une partie de ce que j’ai causé. Et après cela, je disparaîtrai de ta vie si tel est ton fronça les sourcils dans une expression de profonde mélancolie.— Alors c’est vrai ? Tu as trouvé comment récupérer la Source ?— Oui.— Donc tu me confirmes ce que tu m’as prouvé par le passé je ne suis qu’un outil, un moyen dans ta quête de grandeur.— Comment ? Pourquoi dis-tu cela ?— Tout ce temps, tout ce qui t’intéressait, c’était cela, n’est-ce pas ? Mais lorsque cette magie ancienne sera sortie de mon corps… Auras-tu seulement quelque souci pour ma personne ?Il fronça les sourcils à son tour, sans comprendre.— Je me suis toujours soucié de ta personne. Je demandais régulièrement de tes nouvelles à Maître Cinnarion…— Ce n’est pas ma question, Aesril. — Bien sûr que je me soucie de toi. Tu auras toujours une place particulière à mes yeux.— D’accord, répondit-elle aussitôt, froidement. Et Mélicendre ? Ou plutôt, devrais-je dire… ton “Serpent”.Le mage battit des paupières, déconcerté. Il ne s’était pas attendu à ce que le nom de la divinatrice fut évoqué en un tel moment, de but en blanc.— … Quoi Mélicendre ?Elia se recula sur sa chaise, triomphante.— Ah ! J’ai finalement réussi à perturber le mage insondable. À la bonne heure. Tu sais très bien de quoi je parle. Quelle place revêt-elle à tes yeux ?— C’est mon associée.— Ton associée ? Aesril, c’est bon, j’ai lu les lettres et je sais que tu l’aides et que tu la couvres. Tu as pris des risques pour elle, même si elle en a pris beaucoup pour toi de ce que j’ai compris. Est-ce qu’elle aussi, tu vas lui faire miroiter monts et merveilles avant de mieux l’abandonner au fond d’un ravin une fois que tu n’auras plus besoin d’elle ?— Non… Mélicendre n’est… Elle ne mérite pas cela.— Ah ? Parce que moi, je le méritais ?— Ne me fais pas dire ce que je n’ai pas dit, protesta Aesril en s’agitant sur son siège, mal à l’aise. Elle m’a été d’un grand secours dans mes projets, pour avoir un coup d’avance sur vous tous. Mais… Je n’ai aucune intention de la trahir. Et aucune raison. Elle sait qui je suis et de quoi je suis capable.— Et elle t’aide dans tes plans tordus ? Quel joli couple ! — Nous ne… Ah, peu esquissa un sourire en coin, mesquin. Elle n’était que trop ravie d’avoir trouvé ce qui ressemblait à une faiblesse de sa part. Elle savait qu’elle ne pourrait pas le blesser, et certainement pas autant qu’il l’avait fait avec elle, mais elle estimait avoir le droit de le pousser hors de ses gonds.— Alors, tu l’aimes, c’est ça ?Il écarquilla les yeux, une fraction de seconde, un mouvement du visage à peine perceptible, mais suffisamment pour provoquer à Elia une jubilation malsaine.— Je… c’est… Compliqué.— Je vois… Tu n’as pas d’autre mot à la bouche, de toute façon. J’ai juste une question pourquoi elle ? Qu’est-ce que tu trouves chez cette femme ? Elle est sournoise, superficielle, malsaine…— Décèlerais-je de la jalousie dans tes propos ?— Je ne vois pas pourquoi je serais jalouse d’elle.— C’est justement ce que j’aime chez Mélicendre. Ce que tu décris là est ce que les gens voient au premier abord. Mais j’ai tout de suite su qu’il y avait plus chez elle qu’une simple prostituée diseuse de bonne aventure. Elle a bien plus de ressources en elle qu’on ne le pense.— Des ressources que tu peux exploiter à ta guise, je suppose ?— Pour qui me prends-tu exactement, Elia ? Une sorte de créature vicieuse ? Crois-tu que je détruise la vie d’autrui par loisir ? interrogea Aesril, croisant les bras sur son torse.— Par loisir, non, mais quand c’est nécessaire, oui.— Charmant… Quoi qu’il en soit, tu es bien loin de la vérité, la concernant. Mais où veux-tu en venir exactement ? Que vient faire Mélicendre dans tout ça ?— J’essaie encore de démêler tous les fils de cette histoire qui me dépasse, Aesril, voilà tout. Et savoir si tu te sers de cette femme ou non en fait partie. Mais je suppose que je n’aurai aucun moyen de le savoir. Il y a encore une zone d’ombre que j’aimerais éclaircir toutefois…— Laquelle ?— Ewen. Si tu n’es pas directement lié à sa disparition, je suis sûre que tu sais quelque chose. Où est-il ?— Cela ne te regarde en rien, Elia.— Aesril… Je veux bien coopérer avec toi, mais j’ai besoin de la mage soupira profondément. Il semblait épuisé d’avoir raconté aussi longtemps une histoire si chargée d’émotions. Il fit signe au tavernier de les resservir et l’homme revint verser de l’hydromel dans les deux cornes, cette fois-ci, sans ajouter de commentaire, voyant bien que la conversation entre ces deux personne se révélait des plus prit une grande gorgée de la boisson dorée sous le regard de plus en plus soucieux d’Elia et lâcha finalement — Il est mort.— Quoi ?!, s’étrangla la sorcière. Mais… Comment ?— Mélicendre m’a demandé de mettre son âme dans une gemme.— Et tu l’as fait ? Sans réfléchir ? Et tu m’annonces ça comme ça ? Qu’est-ce que tu es au juste, son chien ?— Ne m’insulte pas, je te prie, gronda Aesril, d’une voix suffisamment ferme pour passer à Elia l’envie de continuer à le provoquer. Je l’ai fait parce que c’était nécessaire. Elle allait retrouver ses sentiments. — Retrouver ses… quoi ? Et en quoi est-ce une mauvaise chose ?— Elle a exécuté un vieux sortilège pour s’éviter de souffrir et s’amputer de ressentir.— Oh… Je vois.— Tu vois les choses ne sont pas aussi simples qu’il n’y paraît. Elles ne sont pas toujours toutes noires ou blanches.— N’essaie pas de justifier tes actes par ce genre de beau discours, cela ne change rien. Et je ne vois pas ce qu’Ewen vient faire là-dedans. — Il voulait inverser le rituel, il était persuadé que cela aiderait Mélicendre et qu’elle se rendrait compte de ses actes. Mais cela aurait pu la faire sombrer dans la folie ou même la tuer. J’ai enlevé Ewen pour l’empêcher d’agir et Mélicendre m’a demandé de faire ça. Car son rituel était lié à l’âme de cet homme.— Par les dieux… Quelle horreur… Tu… Tu as donc fait ça pour la protéger ?— sorcière prit un temps pour digérer ces informations, prenant une gorgée d’hydromel à son tour. De toute évidence, cette histoire la dépassait. C’était trop d’informations à encaisser pour le moment. Elle frissonna, soudainement exténuée.— Bien... D’accord. Ça semble compliqué, en effet… Et… Pour la Source ? C’est elle qui m’empêche de me servir de ma magie actuellement ?— Oui. Elle a dû se déclencher au contact de la pierre que je écarta les peaux qui le couvraient pour tirer sur une chaînette de métal sombre et brillant, autour de son cou, laissant apparaître un bijou familier, contenant une gemme à la lueur bleutée. — C’est la pierre du croquis que nous avons retrouvé !— Oui, lorsque vous vous êtes introduits dans mon site de recherches, en effet. — Oh par les Huit… Mais qu’est-ce que tu m’as fait… Et comment on la libère ?— Il y a un ancien sanctuaire… En Haute-Roche. Il s’y trouve une sorte d’autel qui te permettra de rendre la magie. De la transférer jusqu’à la quelque chose de sa sacoche, il posa un bijou similaire au sien sur la table, le faisant glisser vers la sorcière.— Mais il faut que tu t’y rendes seule. C’est un lieu sacré. Autrefois, des Ayléides s’y rendaient, porteuses de ce genre de magie. Des sortes de… Prêtresses. On disait qu’elles étaient pures, car elles portaient la magie du ciel.— Tout ceci est très beau, mais… C’est sans danger ?Il eut un moment d’hésitation.— … Normalement.— Comment ça “normalement” ? C’est censé être rassurant ça ?— Je ne suis pas là pour être rassurant, mais pour te dire la vérité, non ?— Il semblerait… maugréa Elia, de mauvaise grâce.— Je ne te cache pas qu’il y a un risque. Il est possible qu’après cela, tu ne puisses pas utiliser tes pouvoirs durant un temps. Ou que tu te sentes particulièrement affaiblie. Mais cela peut aussi très bien ne pas se produire.— Formidable. Donc, je me rends dans ton sanctuaire et j’y effectue une sorte de rituel, c’est ça ?Il sortit une enveloppe contenant plusieurs épaisseurs de parchemins pour la lui tendre.— Toutes mes instructions se trouvent ici, y compris l’endroit où se trouve le sanctuaire. J’y ai tout écrit dans les moindres détails, tu ne peux pas te tromper. Tu n’auras besoin que de cela et de la pierre. J’y ai placé ma magie pour t’aider dans ton voyage, en attendant que tu la remplisses de la Source. Prends-soin de bien la décharger avant de faire le rituel.— Et pourquoi ne pas m’accompagner ?— Je ne sais pas si je le pourrai, Elia. Je ferai ce que je peux, mais ma vie est plutôt mouvementée, moi aussi. Que je sache, tes amis sont toujours à ma recherche, qui plus est.— J’aurais pu le deviner… Et comment je te contacte si j’ai besoin de toi ?— J’ai bien peur que ce ne soit pas possible… Par mesure de sécurité.— Pour toi ou pour moi ?— Pour nous deux. Crois-moi, Elia je ne veux pas te faire vivre plus de dangers encore. Lorsque ce sera fait, je le saurai. — Comment le sauras-tu ? — J’ai enchanté la pierre que je possède pour qu’elle réponde à sa jumelle. Nous serons liés par elle, toi et moi, d’une certaine manière. J’ai glissé deux talismans stellaires que tu n’auras qu’à employer pour me signaler ta position. Je t’y rejoindrai à ce moment. Ne les utilise que pour cela ou en cas d’extrême urgence. Et je viendrai t’aider. D’accord ?— Tu… le promets ?— Oui. — Pour ce que ça vaut… D’accord… Je vais y réfléchir.— N’attends pas trop. Je ne sais pas comment la Source peut évoluer dans ton corps. Elle peut très bien retourner en sommeil… ou non. Je n’avais pas prévu cela.— Cela ressemble plus à une menace. Et si je refuse de suivre ton plan ? — Alors, je n’y pourrai rien et les efforts que j’ai déployés durant un an auront été vains. J’ai besoin que tu sois pleinement consentante et que tu fasses cela de ton plein gré.— Donc… Tu as besoin de moi ? demanda-t-elle avec une pointe de fierté.— C’est cela, admit Aesril, avec fit tourner la gemme entre ses doigts, pensivement. Elle ne releva pas son regard vers lui, pas tout de suite.— Bien… Cela fait beaucoup d’informations. Et je crois que nous avons tous deux besoin de repos. J’ai besoin de réfléchir à tout ceci. Loin de toi, de mage se redressa, la mine sombre, le visage fermé, les traits tirés par le manque de sommeil.— Bien sûr, Elia. Alors, je souhaite qu’il s’agisse d’un au revoir. ne parvint pas à ajouter quoi que ce soit qui ne sonnerait pas faux à la sorcière. Alors, il se tut sur ces mots. Elia, quant à elle, était complètement déboussolée. Elle ne voulait pas laisser le trouble de l’elfe, son elfe, son premier amour, la toucher comme il avait réussi à l’émouvoir quelques années auparavant. Elle sentait qu’il pouvait encore, aussi simplement que par le passé, bouleverser le sens de sa vie, rien qu’en sentant ce regard intense, si familier. Alors, elle lâcha simplement — Au revoir Aesril.